Page:Jaurès - Histoire socialiste, I.djvu/469

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
459
HISTOIRE SOCIALISTE

cation pour laquelle vous lui paierez 5 pour cent. Ne pouvons-nous pas fabriquer nous-même le numéraire fictif dont la nécessité est reconnue ? Ne pouvons-nous pas lui donner nous-mêmes la confiance dont il a besoin pour circuler dans toutes les parties de l’Empire ? Nous avons à notre disposition les fonds ecclésiastiques et domaniaux ; créons des obligations à ordre ; faisons-leur payer un intérêt ; assignons-leur un payement certain… La Caisse d’Escompte peut-elle donner de semblables avantages à ses effets ? Remettons ainsi à nos créanciers véritables l’intérêt que nous payerons à la Caisse d’escompte ».

L’Assemblée ne fit pas précisément droit à la demande de Pétion : elle maintint l’emprunt à la Caisse d’Escompte ; et à vrai dire, elle y trouvait un avantage que Pétion oublie : c’est que les billets de la Caisse d’Escompte ayant cours forcé, étaient une monnaie : ainsi l’État pouvait s’en servir non seulement pour payer des créances pressantes, mais pour faire face aux besoins courants du Trésor. Au contraire les assignats eux-mêmes, étant une délégation portant intérêt que l’État remettait à ses créanciers ne pouvaient servir qu’à payer en effet le créancier. Ainsi, dans la combinaison imaginée par la Constituante, le billet de la Caisse d’Escompte et l’assignat formaient un système et se complétaient mutuellement ; d’un côté, le billet devait à l’assignat son crédit, et de l’autre côté, l’assignat devenait monnaie, ayant cours forcé et universel par l’intermédiaire du billet.

C’est par ces transitions timides mais peut-être inévitables que l’Assemblée s’acheminait à faire de l’assignat lui-même directement et ouvertement, une monnaie proprement dite, ne portant pas intérêt et ayant cours forcé. Le 21 décembre, elle n’en est point encore là ; mais elle commence à affranchir l’assignat du billet, car elle crée 400 millions d’assignats, et comme il n’y a que 170 millions qui sont remis à la Caisse d’Escompte pour garantir les billets, tout le reste a une existence indépendante des billets.

Mais tous ces 400 millions sont non point encore une monnaie, mais des billets d’achat, portant intérêt à 5 pour cent et ayant un privilège d’achat des biens nationaux. Voici d’ailleurs le texte de cet important décret :

Article premier. — Il sera formé une caisse de l’extraordinaire dans laquelle seront versés les fonds de la contribution patriotique, ceux des ventes qui seront ordonnées par le présent décret et toutes les autres recettes extraordinaires de l’État. Les deniers de cette caisse seront destinés à payer les créances exigibles et arriérées et à rembourser les dettes dont l’Assemblée nationale aura décrété l’extinction.

Article 2. — Les domaines de la couronne, à l’exception des forêts et des maisons royales dont Sa Majesté voudra se réserver la jouissance, seront mis en vente, ainsi qu’une quantité de biens ecclésiastiques suffisants pour former ensemble la valeur de 400 millions.