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HISTOIRE SOCIALISTE

principe de la souveraineté ? ou y avait-il laïcisation de la messe elle-même devenue, si je puis dire, un simple rouage administratif et électoral ? Seule la suite des événements aurait débrouillé le sans ambigu de ces dispositions complexes, si la constitution civile du clergé avait longuement vécu. Mais à quelle condition pouvait-on être élu évêque ? « Pour être éligible à un évêché il sera nécessaire d’avoir rempli, au moins pendant quinze ans, les fonctions du ministère ecclésiastique dans le diocèse en qualité de curé, de desservant ou de vicaire, ou comme vicaire supérieur ou comme vicaire directeur du séminaire. »

Et comme pour marquer la fin de l’élection du même caractère double, semi-ecclésiastique, semi-laïque, qui en a marqué le commencement, « la proclamation de l’élu, dit l’article 14, se fera par le Président de l’assemblée électorale dans l’église où l’élection aura été faite, en présence du peuple et du clergé et avant de commencer la messe solennelle qui sera célébrée à cet effet ». On ne sait plus au juste qui est à l’autel, si c’est le nouvel évêque ou le Président de l’assemblée électorale.

Mais l’évêque est-il ainsi définitivement institué ? le curé ainsi nommé évêque a-t-il dès maintenant, et par la seule vertu de l’élection, caractère d’évêque ? Dans la forme, non ; mais au fond, oui. D’abord, la Constituante écarte, par un article tranchant, toute intervention de la papauté : « Le nouvel évêque ne pourra s’adresser au pape pour en obtenir aucune confirmation, mais il lui écrira comme au chef visible de l’Église universelle en témoignage de l’unité de foi et de communion qu’il doit entretenir avec lui. »

C’est évidemment un des articles les plus hardis de la constitution civile, un de ceux où triomphe le plus l’esprit gallican et janséniste. En fait, si on y veut bien réfléchir, il était impossible avec le système de l’élection de faire la moindre part à l’autorité papale ; car comment résoudre le conflit de la souveraineté populaire choisissant un évêque et de la papauté refusant de l’instituer ? Ce n’est plus la lutte du sacerdoce et de l’Empire ; mais c’est la lutte de la papauté et du nouvel Empire, je veux dire la démocratie.

Il est bien vrai qu’aujourd’hui, sous le régime du Concordat, l’institution pontificale est nécessaire aux évêques désignés par le pouvoir civil. Mais ce n’est pas le suffrage populaire qui désigne directement les évêques : c’est le pouvoir exécutif, et quoiqu’il émane indirectement de la souveraineté nationale (au moins dans l’institution républicaine) il peut négocier avec le pape s’il y a désaccord, et les conflits ne risquent pas d’être aigus et insolubles comme dans la contradiction directe et déclarée du suffrage du peuple et de la volonté papale.

Au contraire, instituer le suffrage populaire pour l’élection des évêques, c’est forcément dessaisir le pape de tout droit d’investiture.

Mais à défaut du pape, quelqu’un donnera-t-il à l’évêque ainsi élu par les citoyens actifs, la consécration canonique ? c’est l’évêque métropolitain qui