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HISTOIRE SOCIALISTE

Mais ce qu’il faut surtout noter au point où nous sommes, c’est la souveraineté absolue de la société civile qui dispose en somme du pouvoir d’investiture. Si l’évêque métropolitain refuse la confirmation canonique, si tous les évêques de l’arrondissement, c’est-à-dire de la région commandée par une métropole s’entendent pour refuser cette confirmation, ils n’ont pas le dernier mot ; c’est un tribunal de cassation essentiellement laïque et formé de magistrats élus par chacun des départements qui décide si le refus est abusif ou non.

Au cas où il y a abus ce n’est pas le tribunal de cassation qui investit lui-même et confirme l’élu : mais comme il peut choisir n’importe lequel des 83 évêques pour lui adresser l’élu, comme il est sûr qu’au moins un évêque confirmera et que le tribunal de cassation peut toujours désigner celui dont les intentions favorables lui seront connues, c’est toujours le tribunal de cassation et par lui, le suffrage populaire dont il a fait prévaloir la décision, qui a le dernier mot.

Ainsi, non seulement l’opposition extérieure du pape n’est pas à craindre, puisqu’il n’est même pas consulté, mais l’opposition des évêques est illusoire puisqu’elle peut être réduite par un tribunal civil : et ce sont bien les électeurs du département, quels qu’ils soient, quelle que soit leur foi religieuse ou leur absence de foi, qu’ils soient catholiques, protestants, juifs ou incroyants et voltairiens, qui nomment souverainement l’évêque. En un sens, c’est un acte de laïcité plus hardi que la séparation de l’Église et de l’État, car, par la séparation de l’Église et de l’État, on ne laïcise que l’État ; la constitution civile du clergé laïcisait, à certains égards, l’Église elle-même, puisque c’est de l’autorité purement civile et laïque des citoyens s’exerçant pour la nomination des évêques au nom du même droit et en la même forme que pour la nomination d’un procureur syndic, que procédaient tous les officiers ecclésiastiques.

Il suffit, ou à peu près, de transposer du département ou district les dispositions relatives aux évêques pour avoir celles relatives aux curés. — « L’élection des curés, dit l’article 25, se fera dans la forme prescrite et par les électeurs indiqués dans le décret du 22 décembre 1789 pour la nomination des membres de l’assemblée administrative du district. — L’assemblée des électeurs pour la nomination des curés se formera tous les ans à l’époque de la formation des assemblées de district, quand même il n’y aurait une seule cure vacante dans le district, à l’effet de quoi les municipalités seront tenues de donner avis au procureur syndic du district de toutes les vacances de cures qui arriveront dans leur arrondissement par mort, démission ou autrement. »

« En convoquant l’assemblée des électeurs, le procureur syndic enverra à chaque municipalité la liste de toutes les cures auxquelles il faudra nommer. — L’élection des curés se fera par scrutins séparés pour chaque cure vacante.