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HISTOIRE SOCIALISTE

Pape est supposé : mais il affirme que, fût-il vrai, il constituerait une erreur et que du Pape le clergé constitutionnel appellerait à Jésus-Christ.

Vraiment, on est à la limite de la Réforme. «Si le Souverain Pontife actuel refusait sa communion aux pasteurs de France, qui ont absolument la même foi que l’Église, ce serait lui qui aurait tort ; il se comporterait comme ce père qui, par caprice et parce que de mauvaises langues l’auraient gagné et indisposé contre des enfants dignes de sa tendresse, les en priverait et refuserait de les reconnaître… Alors Jésus-Christ leur tient lieu de père ».

Et après cette sorte de congé hardiment signifié au Pape, le curé Gaule analyse avec force tous les ressorts d’intérêt matériel qui meuvent l’Église réfractaire.

S’il y a des prêtres mécontents, c’est parce qu’on ne leur a pas donné des terres et le jardin attenant à la cure. « L’hésitation cessa, écrit-il, dès qu’un mot malheureux et impolitique fut prononcé par l’Assemblée nationale : Il n’y a pas à délibérer sur le cadeau qu’on demandait pour les curés ! Une partie considérable des curés s’est alors tournée contre la patrie, et la Constitution civile est devenue hérétique et schismatique par le refus de cette borderie… Oui, c’est le refus de cette malheureuse borderie qui a engagé à refuser le serment que l’État exigeait ; nous le savons, nous en donnerions la preuve au moins pour le pays qui nous avoisine : et nous apprenons que partout c’est le même motif qui a conduit les prêtres désobéissants ».

Et si les fidèles en trop grand nombre vont aux prêtres insermentés c’est sous la contrainte des grands propriétaires.

« Demandez à ce domestique, à ce journalier, à ce métayer, à cet artisan, pourquoi ils n’assistent pas à la messe, pourquoi ils ne s’adressent pas pour la confession à leur prêtre qui a fait serment, ils vous répondront sincèrement : « Je n’y avais pas d’éloignement, je n’en ai même pas à présent ; je ne voudrais pas que cela fût redit : si je n’y vais pas, c’est que j’ai besoin de gagner ma vie.

« Celui chez qui je suis, celui dont je fais valoir les domaines, celui qui me fait travailler est ennemi de la Révolution parce qu’il y perd, et je sais de bonne part, il me l’a dit à moi-même, que si j’allais à l’office d’un prêtre insermenté, il me mettrait dehors ou que je ne travaillerais jamais pour lui » ; Il éclatait en invectives contre les prêtres réfractaires, il s’écrie : « Cruels, vous ne vous contentez pas de déchirer le sein de l’Église, vous déchirez celui de votre patrie pour un peu de bien dont vous ne deviez prendre qu’une portion nécessaire à une honnête subsistance que la patrie paye si généreusement !

« Pensez-y : l’avarice a fait plus d’un Judas. Ne dites pas que vous êtes indifférents pour vos biens temporels ; le crime le plus impardonnable à vos yeux est de les avoir achetés.

« Pourquoi prenez-vous tant d’intérêt à ces nobles émigrés ? Pourquoi,