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HISTOIRE SOCIALISTE

à l’indignité de vous tenir captif au milieu de votre capitale ajoute la perfidie de vouloir que vous dégradiez votre trône de vos propres mains, nous nous empressons d’apprendre à Votre Majesté que les puissances dont nous avons réclamé pour elle les secours sont déterminées à y employer toutes leurs forces… Dans votre malheur, Sire, vous avez la consolation de voir toutes les puissances coopérer à les faire cesser, et votre fermeté, dans le moment critique où vous êtes, aura pour appui l’Europe entière. Les intentions des souverains qui vous donneront des secours sont aussi droites que le zèle qui nous a fait les solliciter. Le but des puissances confédérées n’est que de soutenir la partie saine de la nation contre la partie délirante, et d’éteindre au sein du royaume le volcan du fanatisme dont les éruptions propagées menacent tous les empires… Tout Paris doit savoir que si une scélératesse fanatique ou soudoyée osait attenter à vos jours ou à ceux de la reine, des armées puissantes chassant devant elles une milice faible viendraient aussitôt fondre sur la ville qui aurait attiré sur elle la vengeance de l’univers… Nous devons cependant vous annoncer que, si des motifs qu’il nous est impossible d’apercevoir forçaient votre main de souscrire une acceptation que votre cœur rejette, nous protesterions pour vous-même, Sire, en protestant pour vos peuples, pour la religion, pour les maximes fondamentales de la monarchie et pour tous les ordres de l’État. Nous obéirons, Sire, à vos véritables volontés en résistant à des défenses extorquées et nous serons sûrs de votre approbation en suivant les lois de l’honneur.


« Signé : Louis-Stanislas-Xavier(Comte de Provence).

« Charles-Philippe(Comte d’Artois).

« Au château de Schœnburnstast, près Coblentz, le 10 septembre 1791. »

C’est une lettre insensée. On ne pouvait jouer plus témérairement avec la vie du roi, que ces menaces furibondes pouvaient mettre en péril. Et, pour le roi même, la lettre était offensante. Les princes lui reprochaient en somme comme une lâcheté, l’acceptation éventuelle de la Constitution : ils déclaraient n’en pas apercevoir les motifs. Et ils jetaient sur cette acceptation qui, même hypocrite, ne pouvait servir le roi qu’à condition de paraître sincère, un soupçon public de fraude. Bouillé, après Varennes, avait déjà écrit à l’Assemblée une lettre délirante et sans dignité, où il appelait les Français brigands et anthropophages et les menaçait de la destruction par les armes de l’étranger.

Qu’allait dire Paris cette fois de cette nouvelle menace, lancée par les frères mêmes du roi ? Louis XVI fut pris d’épouvante, et il essaya de détourner le coup en adressant au baron de Breteuil une lettre publique : « Je suis informé, Monsieur le baron de Breteuil, que mon très cher frère, Monsieur, comte de Provence, trompé sur ma véritable situation et me croyant dans les