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HISTOIRE SOCIALISTE

mais en gardant son fils, ce qui rendrait la liberté illusoire. On doit regarder tout ce qui s’est fait depuis deux ans comme nul, quant à la volonté du roi, mais impossible à changer, tant que la grande majorité de la nation sera pour les nouveautés. C’est à faire changer cet esprit qu’il faut tourner toute notre application. »

« Résumé : Il désire que la captivité du roi soit bien constatée et bien connue des puissances étrangères ; il désire que la bonne volonté de ses parents, amis et alliés et des autres souverains, qui voudraient y concourir, se manifestât par une manière de Congrès où on employât la voie des négociations, bien entendu qu’il y eût une force imposante pour les soutenir ; mais toujours assez en arrière pour ne pas provoquer au crime et au massacre.

« Le roi ne croit pas devoir ni pouvoir donner un plein pouvoir illimité, mais il envoie ce papier écrit en blanc pour être remis à son frère. »

Ainsi la force des manifestations révolutionnaires après Varennes fait hésiter le roi et la reine : ils n’osent plus appeler le secours des armes étrangères de peur d’être massacrés par le peuple. Mais ils ne se résignent pas à la Constitution : ils font constater officiellement leur captivité pour pouvoir désavouer ensuite devant le monde le serment prêté à la loi nouvelle.

Ils désirent que les puissances étrangères pèsent sur la France, mais par une intervention prudente et en dissimulant leurs armées derrière un rideau de Congrès et de diplomatie. Mais ils se placent par là dans une situation tout à fait fausse.

En se déclarant prisonniers ils autorisent les princes à dépasser leurs instructions, et la fougue de ceux-ci, leur zèle immodéré ou égoïste les compromettent à tout instant. À vrai dire, même après Pilnitz, les étrangers attendent encore et se réservent. Seul le roi de Suède, ayant recueilli Bouillé à sa Cour, médite des entreprises aventureuses contre la France : il rêve de réunir une flotte dans la Manche, et de débarquer des troupes en Normandie. Mais nul en Europe ne le prend au sérieux : il avait demandé, pour ses projets de rassemblement naval, la bienveillance de l’Angleterre : le roi Georges II, conseillé par ses ministres, se refusa par une lettre catégorique à toute démarche compromettante.

Il écrit le 13 août 1791, au roi de Suède : « Ma conduite par rapport aux troubles qui ont tant agité le royaume de France a été dirigée par les principes d’une neutralité exacte et parfaite, et jamais, dans aucune des occasions qui se sont élevées, je ne me suis départi de ce système.

« Je suis bien éloigné de vouloir m’immiscer dans les affaires intérieures de ce royaume, afin de profiter de ce moment de crise, ou pour en retirer les avantages que les circonstances pourraient m’offrir. Par une suite des mêmes principes, je suis dans l’intention de ne prendre aucune part aux mesures que les autres puissances de l’Europe pourront se trouver dans le cas d’adopter à ce sujet, ni en les secondant, ni en m’y opposant.