Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/123

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nos ministres, à notre roi, à l’Europe, le langage qui convient aux représentants de la France. Disons aux ministres que jusqu’ici la nation n’a pas été très satisfaite de leur conduite… (Applaudissements.) que désormais ils n’ont à choisir qu’entre la reconnaissance publique ou la vengeance des lois ; que ce n’est pas en vain qu’ils oseraient se jouer d’un grand peuple et que par le mot « responsabilité » nous entendons la « mort ». (Nouveaux applaudissements dans la salle et dans les tribunes.)

« Disons au roi qu’il est de son intérêt, de son très grand intérêt de défendre de bonne foi la Constitution ; que sa couronne tient à la conservation de ce palladium ; disons-lui qu’il n’oublie jamais que ce n’est que par le peuple et pour le peuple qu’il est roi ; que la nation est son souverain et qu’il est sujet de la loi. (Applaudissements.)

« Disons à l’Europe que les Français voudraient la paix, mais que si on les force à tirer l’épée, ils en jetteront le fourreau bien loin et n’iront le chercher que couronnés des lauriers de la victoire ; et que quand même ils seraient vaincus, leurs ennemis ne jouiraient pas du triomphe, parce qu’ils ne régneraient que sur des cadavres. (Applaudissements.)

« Disons à l’Europe que nous respecterons toutes les constitutions des divers Empires, mais que si les cabinets des cours étrangères tentent de susciter une guerre des rois contre la France, nous leur susciterons une guerre des peuples contre les rois. (Applaudissements.)

« Disons-lui que dix millions de Français, embrasés du feu de la liberté, armés du glaive, de la raison, de l’éloquence, pourraient, si on les irrite, changer la face du monde et faire trembler tous les tyrans sur leurs trônes.

« Enfin, disons bien que tous les combats que se livrent les peuples par ordre des despotes… (Applaudissements.)

« N’applaudissez pas, Messieurs, n’applaudissez pas : respectez mon enthousiasme, c’est celui de la liberté.

« Disons-lui que tous les combats que se livrent les peuples par ordre des despotes ressemblent aux coups que deux amis, excités par une instigation perfide, se portent dans l’obscurité ; le jour vient-il à paraître, ils jettent leurs armes, s’embrassent et se vengent de celui qui les trompait. (Bruit et applaudissements.) De même si, au moment que les armées ennemies lutteront avec les nôtres, le génie de la philosophie frappe leurs yeux, les peuples s’embrasseront à la face des tyrans détrônés, de la terre consolée et du ciel satisfait. (Applaudissements.)

« Je conclus par demander que l’Assemblée adopte à l’unanimité le projet de décret proposé : je dis à l’unanimité, parce que ce n’est que par cet accord parfait des représentants de la nation que nous parviendrons à inspirer aux Français une entière confiance, à les réunir tous dans un même esprit, à en imposer sérieusement à tous nos ennemis et à prouver que lorsque la patrie est en danger, il n’existe qu’une volonté dans l’assemblée