Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/125

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d’attaquer les petits princes des bords du Rhin. Hypocrisie, s’il prévoit que cette première escarmouche conduira à une grande guerre contre l’Autriche, mais la dissimule au pays pour l’entraîner plus aisément.

Et il semble tout d’abord que c’est une rupture immédiate et franche que conseille Robespierre.

« Il faut dire à Léopold : vous violez le droit des gens en souffrant les rassemblements de quelques rebelles que nous sommes loin de craindre, mais qui sont insultants pour la nation. Nous vous sommons de les dissiper dans tel délai, ou nous vous déclarons la guerre au nom de la nation française et au nom de toutes les nations ennemies des tyrans… Il faut imiter ce Romain qui, chargé au nom du Sénat de demander la décision d’un ennemi de la République, ne lui laissa aucun délai. Il faut tracer autour de Léopold le cercle que Popilius traça autour de Mithridate. Voilà le décret qui convient à la nation française et à ses représentants. »

Ainsi Robespierre semble d’abord ne combattre la politique belliqueuse de la Gironde que par une surenchère. Est-ce chez lui entraînement ? ou tactique ? Voulait-il diminuer les chances de guerre en ouvrant devant le pays la perspective d’une grande guerre redoutable et coûteuse ? Ou bien cherche-t-il d’abord à ménager sa popularité, à éviter le choc trop violent de l’opinion déjà entraînée ? Ce n’est pas, en tout cas, par des discours équivoques, comme celui du 28, où la pensée de la paix se cachait sous une affectation ultra-belliqueuse, qu’il pouvait ramener les esprits, et ce discours du 28 a quelque chose de faux et de pénible. Cette première période guerrière n’est pas une période de sincérité. Tous les partis, à travers un semblant d’exaltation, équivoquent et rusent.

Marat, comme si en cette question de la guerre son entendement était stupéfié, avait gardé le silence après la séance du 27, après celle du 29, après la motion Daverhoult, après la démarche de l’Assemblée au roi. Cherchait-il sa voie ? Était-il assourdi par l’éloquence guerrière d’Isnard et se demandait-il si lui-même n’allait pas souffler d’un souffle furieux dans la trompette ? Mais tout à coup, dans son numéro du 1er décembre, il se réveille comme en sursaut, se reproche son trop long silence, dénonce la politique de guerre et commence une vigoureuse campagne contre la Gironde. Je me demande si quelque avis ne lui était point venu de Robespierre, en qui il eut toujours pleine confiance. Après avoir analysé le discours de Rühl, prononcé quatre jours avant, Marat dit :

« Voilà à coup sûr le discours d’un fripon payé pour engager l’Assemblée dans la démarche impolitique et désastreuse de provoquer une rupture avec quelques petits princes de l’Empire et d’avoir bientôt sur les bras tous leurs alliés. Quand ce conseil funeste ne serait pas suspect par les suites cruelles qu’il aurait infailliblement s’il était adopté, peut-on douter qu’il ne soit parti du cabinet des Tuileries puisque l’émissaire ministériel qui en était porteur n’est