Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/141

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reux article sur les dangers d’une guerre offensive. « Que le roi, que les ministres et la Cour veuillent la guerre, que les aristocrates veuillent la guerre ; que les fanatiques veuillent la guerre ; que tous les ennemis de la liberté veuillent la guerre, cela n’est point étonnant ; la guerre ne peut que servir leurs projets homicides ; mais que nombre de patriotes veuillent aussi la guerre ; que l’opinion des patriotes puisse être partagée sur la guerre, c’est ce que l’on ne comprend pas et pourtant c’est une vérité dont nous sommes les témoins…

« L’honneur français est blessé ! Et ce sont de prétendus patriotes qui tiennent ce langage ! Louis XVI aussi, Narbonne aussi, les Feuillants et les ministériels aussi parlent à la nation le langage de l’honneur. Encore une fois, les hommes libres n’ont su jamais ce qu’était l’honneur. L’honneur est l’apanage des esclaves ; l’honneur est le talisman perfide avec lequel on a vu les despotes fouler aux pieds la sainte humanité. »

« Depuis le 14 juillet, nous n’entendions plus parler d’honneur. Pourquoi tout à coup reproduire ce mot et le substituer à celui de vertu ? Qu’un peuple soit vertueux, qu’il soit fort, c’est tout pour lui, mais l’honneur… L’honneur est à Coblentz, et qu’importe à la nation française l’opinion de quelques tyrans, de quelques esclaves qui ont fui à l’aurore de la liberté ?… C’est pourtant au nom de cet honneur que Brissot a demandé la guerre. »

Et quelques jours après, commentant une adresse de Vergniaud qui contenait ces mots : la gloire nous attend, le courageux journal s’écriait : « La gloire, nous n’en voulons pas, nous ne voulons que le bonheur. » Et il ajoutait ces graves et belles paroles : « Espérons du moins que l’Assemblée n’autorisera pas les peuples étrangers à suivre ses préceptes, ceux de la résistance à l’oppression. »

Les discours que Robespierre prononça contre la guerre aux Jacobins le 2 janvier et le 11 janvier 1792 étaient admirables de courage, de pénétration et de puissance ; et je regrette bien vivement de ne pouvoir les citer en entier. Il nous plaît que ce soit le parti le plus nettement démocratique, celui qui voulait faire de la souveraineté du peuple une vérité, qui ait le plus énergiquement résisté à la guerre ; plus tard, quand la guerre sera déchaînée, quand la France de la Révolution devra défendre sa liberté contre l’univers conjuré, les révolutionnaires démocrates la soutiendront avec une énergie implacable ; mais tant que la paix leur a paru possible, ils ont lutté, même contre la passion du peuple, pour maintenir la paix.

Est-ce à dire qu’il n’y avait ni erreur, ni lacune, ni insuffisance, dans la thèse de Robespierre ? Pour détourner les révolutionnaires de la voie guerrière où ils étaient déjà engagés, il avait besoin d’exciter leur défiance. Et il insistait au delà du vrai sur la part prise par la Cour au mouvement de guerre. Robespierre voyait dans la guerre une machination du roi : il se trompait. Longtemps le roi et la reine avaient redouté la guerre. C’est seulement quand