Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/162

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cinq cent mille bayonnettes à leurs ordres resteront unis et seront forts de l’alliance de toutes les autres puissances quand la guerre sera injuste de votre part et qu’elle ne sera pas nécessitée aux yeux de tous les peuples par la conduite de ces mêmes puissances.

« L’on vous a donné l’exemple de l’Angleterre, mais l’on ne vous a pas dit que, supérieure sur mer à toutes les autres puissances, elle n’avait rien à craindre pour elle-même par sa position. L’on vous a cité Charles XII, mais l’on vous a passé Pultawa sous silence.

« Messieurs, soyons vrais ; les amis de la liberté voudraient venir au secours de la philosophie outragée par la ligue des princes, ils voudraient appeler tous les peuples à cette liberté, et propager une sainte insurrection ; voilà le véritable motif des démarches inconsidérées qu’on vous propose. Mais devez-vous laisser à la philosophie elle-même le soin d’éclairer l’univers, pour fonder, par des progrès plus lents mais plus sûrs, le bonheur du genre humain et l’alliance fraternelle de tous les peuples ? ou bien devez-vous, pour hâter ces effets, risquer la perte de votre liberté et celle du genre humain, en proclamant les droits de l’homme au milieu du carnage et de la destruction ?

« Cette entreprise ne sera noble, grande, digne de vous, que lorsque, provoqués à une guerre devenue juste et nécessaire, l’attaque sera le seul moyen de défense, lorsqu’en vous constituant en état de guerre effective, vous pourrez prouver à l’univers entier, qui vous contemple, et à la France, qui vous a confié ses plus chers intérêts, que c’est pour maintenir sa Constitution, dont vous êtes les gardiens, que vous allez confier son sort et le sang de vos frères au hasard des combats.

« Laissons donc à la philosophie le soin d’éclairer l’univers et si l’aveuglement de cette ligue des princes devance l’heure qui a été marquée de toute éternité pour fonder le seul empire durable, celui de la raison, plaignons le sort de l’humanité souffrante, qui alors ne verrait luire ces beaux jours qu’après un orage aussi terrible. »

Le discours de Daverhoult porta, et Brissot se crut obligé de lui répondre par une note du Patriote Français (26 janvier).

« M. Daverhoult a rejeté mon projet, parce que, dit-il, il porte sur une fausse hypothèse de ligue entre diverses puissances contre la France. Je réponds : 1o que ce n’est point une hypothèse, que la ligue est prouvée par les différents actes que j’ai rapportés.

« 2o Je dis que mon système roule sur ce dilemme : ou l’Empereur veut nous attaquer ou il ne veut que nous effrayer : dans le premier cas il faut le prévenir ; dans le second, le forcer à reculer.

« Ni M. Daverhoult ni les orateurs qui m’ont attaqué n’ont répondu à ce dilemme. »

La réplique de Brissot était pitoyable. D’abord il n’avait pas démontré