Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/188

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et, tout ce qui nous étonne, c’est qu’il n’ait pas cité la devise célèbre : la Constitution, toute la Constitution, rien que la Constitution. »

Puis, Brissot rappelle avec ironie les attaques de l’empereur contre les sociétés populaires : « Il ne dissimule pas que s’il conserve une armée en état d’observation passive, c’est pour empêcher cette terrible puissance des Jacobins de renverser la monarchie libre de la France, pour laquelle il se sent un si tendre intérêt, tel est encore le but du concert qu’il a formé avec diverses puissances : ce n’est pas trop d’une pareille ligue contre cette secte formidable. On pense bien que ces terreurs et ces menaces ont été accueillies des plus vifs éclats de rire : les ministériels semblaient rougir eux-mêmes de ces déclamations. On eût bien voulu quelques tirades contre les Républicains et les Jacobins ; mais en faire une puissance ! c’était couvrir de boue et les souffleurs et l’écolier. »

« Une note de l’ambassadeur de Prusse, qui déclare que son maître adhère aux conclusions de l’empereur et qu’il est obligé de s’opposer à toute espèce d’invasion sur le territoire de l’Empire, et un message du roi ont terminé cette comédie diplomatique. »

« Le roi déclare à l’empereur qu’il croit au-dessous de la dignité et de l’indépendance d’une grande nation, de discuter ces divers articles qui concernent la situation intérieure du royaume ; qu’il aurait désiré une réponse plus catégorique et plus précise, relativement à ce concert formé entre les puissances, et que ce concert n’a aucun objet, qu’il en demande la cessation pour mettre fin à des inquiétudes où la nation ne veut ni ne peut rester. Il offre de désarmer si l’empereur retire une partie de ses troupes. »

« La simplicité et la clarté de cette réponse qui contrastait d’une manière frappante avec l’entortillage germanique des dépêches du cabinet de Vienne ont obtenu les applaudissements de l’Assemblée… Louis XIV, quoiqu’il ne fût pas roi d’une nation libre aurait été moins patient ; mais, une nation libre aime à épuiser les bons procédés. »

« Quelle que soit l’issue de cette réponse, les amis du peuple doivent se féliciter de cette journée.

« Elle a marqué l’ascendant de cette nation livrée à l’anarchie populaire. L’empereur a obéi au vœu national en écrivant avant l’époque qui lui a été fixée. »

« Il a été forcé de se justifier devant un peuple qu’on foulait aux pieds. »

« Il a révélé le grand secret de l’intrigue qui unit les deux cabinets de Vienne et des Tuileries ; le même esprit les dirige, le pauvre esprit de quelques intrigants, qui, pour se venger des hommes et des sociétés qui les ont démasqués, empruntent des plumes royales et ministérielles, assez faibles pour se prêter à leurs plates manœuvres. »