Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/326

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appelle « des officiers civils », et par eux, comme par l’organe d’une autorité régulière, ils taxaient les denrées.

Il me paraît impossible que le mouvement du peuple de Paris, en janvier, pour la taxation du sucre et des denrées, n’ait pas eu son contre-coup dans les départements environnants. Chose bien curieuse, ce n’est pas seulement le blé et le pain, comme on pourrait l’imaginer, que les insurgés taxent, c’est la totalité des denrées. Plusieurs des textes que j’ai déjà cités le démontrent ; mais les témoignages à cet égard sont surabondants. Les administrateurs d’Évreux écrivent le 5 mars : « Ils traînent à leur suite des officiers municipaux et des gardes nationaux qui, tambour battant, enseigne déployée, fixent le prix du blé, des bois, du fer. »

« Le premier rassemblement qui soit connu, dit Tardiveau, était composé d’environ quatre cents hommes qui se rassemblèrent sur la paroisse de la Neuve-Lyre et se portèrent de là au marché de la Barre, petite ville du district de Bernay. Ils avaient à leur tête quelques officiers municipaux, même des juges de paix. Rendus au marché de la Barre, ils sollicitèrent de la municipalité qu’elle les accompagnât au marché du lieu et que là elle taxât les grains et tout ce qui se vendait dans ce marché. La municipalité, fidèle à ses devoirs, représenta comme une telle disposition était contraire aux lois, combien, en même temps, elle était funeste pour ceux qui se la permettaient. Elle fut dissipée, et les attroupés, se servant de ce qu’ils appelaient leurs officiers civils, firent eux-mêmes ce qu’ils avaient voulu exiger de la municipalité.

« Le lendemain, ils se portèrent au marché de Neubourg ; le surlendemain, à celui de Breteuil, même excès. Le 29 février, la municipalité de Conches, autre petite ville du district de Verneuil, est avertie que le lendemain on devait venir à son marché. En conséquence, le 29 février, elle prend une délibération par laquelle elle requiert la garde nationale de s’opposer aux entreprises que l’on voudrait faire sur le marché. Je ne sais si cette délibération est de bonne foi ; vous allez en juger par le procès-verbal qui suit :

« Le jeudi, 1er mars, nous officiers municipaux, assemblés en la maison commune, en exécution de notre arrêté d’hier, la garde nationale de cette ville réunie en partie sur la place d’armes, nous avons été invités par le commandant de la compagnie, à la tête de ses troupes, d’aller au devant des citoyens armés que l’on nous a dit attroupés. Aussitôt nous nous sommes rendus à ses vues et nous avons été avec notre garde hors des murs de cette ville ; nous avons aperçu environ quatre cents personnes armées de fusils pour la plupart, le surplus avait des haches, fourches, croissants et autres outils. »

« Le commandant de la garde nationale de notre ville a envoyé un détachement pour les reconnaître ; ils ont répondu qu’ils étaient gardes nationaux et qu’ils venaient mettre de l’ordre dans le marché.