Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/372

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les choix pour les fonctions instructives ; mais tous les talents sont appelés de droit à disputer ce prix de l’estime publique ; un privilège, en matière d’instruction, serait plus odieux et plus absurde encore. »

3o « L’instruction, quant à son objet, doit être universelle ; car c’est alors qu’elle est véritablement un bien commun sans lequel chacun peut s’approprier la part qui lui convient. Les diverses connaissances qu’elle embrasse peuvent ne pas paraître également utiles ; mais il n’en est aucune qui ne le soit véritablement, qui ne puisse le devenir davantage, et qui, par conséquent, doive être rejetée ou négligée. Il existe, d’ailleurs, entre elles une éternelle alliance, une dépendance réciproque ; car elles ont toutes, dans la raison de l’homme, un point commun de réunion, de telle sorte que nécessairement l’une s’enrichit et se fortifie par l’autre ; de là il résulte que dans une société bien organisée, quoique personne ne puisse parvenir à tout savoir, il faut néanmoins qu’il soit possible de tout apprendre. »

Ainsi, la nation s’appliquera à donner gratuitement à tous les connaissances élémentaires indispensables ; mais elle ne s’arrêtera pas là. Son devoir est d’étendre son enseignement aussi loin que va la science et de la porter aussi haut ; c’est toute la science qui doit être propriété commune, même si en fait il n’y a que les éléments de cette science qui puissent être saisis par l’ensemble des citoyens.

Noble et vaste communisme du savoir qui sera la perfection même le jour où ce n’est point la fortune, mais la puissance des facultés propres qui marquera le degré de savoir où chacun peut s’élever, l’étendue du champ de science qu’il peut occuper.

Mais comment se justifie la gratuité de l’enseignement élémentaire ou primaire ? et n’est-ce pas un paradoxe contraire à la Constitution même et à son esprit que d’employer les contributions publiques à procurer gratuitement aux citoyens un bien que chacun doit se procurer par son propre effort ?

« La seule espèce d’instruction que la société doive, avec la plus entière gratuité, est celle qui est essentiellement commune à tous parce qu’elle est nécessaire à tous. Le simple énoncé de cette proposition en renferme la preuve, car il est évident que c’est dans le trésor commun que doit être puisée la dépense nécessaire pour un bien commun ; or, l’instruction primaire est absolument et rigoureusement commune à tous, puisqu’elle doit comprendre les éléments de ce qui est indispensable, quelque état que l’on embrasse. D’ailleurs, son but principal est d’apprendre aux enfants à devenir un jour des hommes. Elle les initie, en quelque sorte, dans la société, en leur montrant les principales lois qui la gouvernent, les premiers moyens pour y exister ; or, n’est-il pas juste qu’on fasse connaître à tous gratuitement ce que l’on doit regarder comme les conditions même de l’association dans laquelle on les invite d’entrer ? Cette première instruction nous a donc