Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/481

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ritoire ennemi, je leur ai ordonné de s’arrêter ; mais la Constitution ne me prescrit pas de remporter des victoires ; elle me défend même les conquêtes. Il est vrai qu’on a tenté de désorganiser les armées par des démissions combinées d’officiers et que je n’ai fait aucun effort pour arrêter le cours de ces démissions ; mais la Constitution n’a pas prévu ce que j’aurais à faire en pareil délit. Il est vrai que mes ministres ont continuellement trompé l’Assemblée nationale sur le nombre, la disposition des troupes et leurs approvisionnements ; que j’ai gardé le plus longtemps que j’ai pu ceux qui entravaient la marche du gouvernement constitutionnel, le moins possible ceux qui s’efforçaient de lui donner du ressort ; mais la Constitution ne fait dépendre leur nomination que de ma volonté, et nulle part elle n’ordonne que je donne ma confiance aux patriotes et que je chasse les contre-révolutionnaires.

« Il est vrai que l’Assemblée nationale a rendu des décrets utiles ou même nécessaires, et que j’ai refusé de les sanctionner, mais j’en avais le droit ; il est sacré, car je le tiens de la Constitution. Il est vrai, enfin, que la contre-révolution se fait, que le despotisme va remettre entre mes mains son sceptre de fer, que je vous en écraserai, que vous allez ramper, que je vous punirai d’avoir eu l’insolence de vouloir être libres ; mais j’ai fait tout ce que la Constitution me prescrit ; il n’est émané de moi aucun acte que la Constitution condamne ; il n’est donc pas permis de douter de ma fidélité pour elle, de mon zèle pour sa défense. (Double salve d’applaudissements.)

« Si, dis-je, il était possible que dans les calamités d’une guerre funeste, dans les désordres d’un bouleversement contre-révolutionnaire, le roi des Français leur tint ce langage dérisoire ; s’il était possible qu’il leur parlât jamais de son amour pour la Constitution avec une ironie aussi insultante, ne seraient-ils pas eu droit de lui répondre :

« Ô roi, qui sans doute avez cru avec le tyran Lysandre que la vérité ne valait pas mieux que le mensonge, et qu’il fallait amuser les hommes par des serments ainsi qu’on amuse les enfants avec des osselets, qui n’avez fini d’aimer les lois que pour parvenir à la puissance qui vous permettrait de les braver ; la Constitution, que pour qu’elle ne vous précipitât pas du trône où vous aviez besoin de rester pour la détruire ; la nation, que pour assurer le succès de vos perfidies, en lui inspirant de la confiance : pensez-vous nous abuser aujourd’hui par d’hypocrites protestations et nous donner le change sur la cause de nos malheurs, par l’artifice de vos excuses et l’audace de vos sophismes ?

« Était-ce nous défendre que d’opposer aux soldats étrangers des forces dont l’infériorité ne laissait pas même d’incertitude sur leur défaite ? Était-ce nous défendre que d’écarter les projets tendant à fortifier l’intérieur du royaume ou de faire des préparatifs de résistance pour l’époque où nous serions déjà devenus la proie des tyrans ? Était-ce nous défendre que de