Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/492

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c’est-à-dire la royauté elle-même, et en tout cas tout droit de veto, l’Assemblée presque toute entière protesta. Les uns s’indignèrent ; les autres désapprouvèrent. Même les volontaires qui arrivaient à Paris pour prendre part à la fête du 14 Juillet, « à la Fédération de 1792 », avant d’aller aux frontières combattre l’ennemi, étaient entourés, par les Jacobins eux-mêmes, de conseils de prudence.

Robespierre, en un discours un peu pompeux : « Salut aux défenseurs de la liberté, salut aux généreux Marseillais », les avertissait de ne point se laisser duper, à la cérémonie du 14, par les avances mensongères et les sourires du pouvoir royal, mais il leur rappelait aussi en des termes dont la violence calculée laissait pourtant apparaître le conseil de modération, que la Constitution devait avant tout être respectée et maintenue. Même dans la journée du 14 juillet, au Champ-de-Mars, les partis de gauche évitèrent avec soin tout incident un peu aigu, toute manifestation un peu vive : aucun cri hostile ne fut poussé contre le roi ou contre la reine.

Les fédérés avaient été distribués dans les bataillons des différentes sections : ainsi, aucun mouvement ne pouvait se produire autour d’eux, et les organisateurs de la Journée évitèrent même au roi toute démarche désagréable.

Il était convenu d’abord qu’il mettrait le feu à un arbre généalogique des émigrés ; on lui épargna cette cérémonie. La journée fut assez belle, lumineuse, languissante, toute pénétrée de vagues sous-entendus, et d’une attente incertaine, de frayeurs atténuées et de somnolentes haines. De même que les Jacobins semblaient redouter ou ajourner tout au moins le coup de main décisif, le roi et la reine n’avaient plus d’autre politique que d’attendre l’étranger. Ils ne se faisaient aucune illusion sur le baiser Lamourette. Marie-Antoinette écrit le 7 juillet à Fersen.

(En clair) :

« Je vous ai adressé, il y a quelques jours, l’état de vos dettes actives. Voici le supplément que je reçois ce matin de votre banquier de Londres. »

(En chiffre) :

« Les différents partis de l’Assemblée nationale se sont réunis aujourd’hui ; cette réunion ne peut être sincère de la part des Jacobins, ils dissimulent pour cacher un projet quelconque. Un de ceux qu’on peut leur supposer est de faire demander par le roi une suspension d’armes et de l’engager à négocier la paix. Il faut prévenir que toute démarche officielle à cet égard ne sera pas le vœu du roi ; que s’il est dans la nécessité d’en manifester un d’après les circonstances, il le fera par l’agence de M. de Breteuil. »

Étrange chimère ! Elle se figure encore que la France révolutionnaire a peur et cherche à négocier, même par le roi. Il n’y a donc qu’une chose à