Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/510

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Assemblée qui hérite de la toute-puissance royale, surtout si c’est l’Assemblée incapable qui a conduit la patrie au bord de l’abîme, tout est perdu.

Quel est donc le remède ? Convoquer les Assemblées primaires qui éliront une Convention et cette Convention remaniera la Constitution pour poser de justes bornes au pouvoir exécutif et pour assurer la souveraineté de la nation. Et ici Robespierre réfute âprement, haineusement, les objections de Brissot à la convocation des Assemblées primaires :

« D’après cela vous conclurez peut-être qu’une Convention nationale est absolument indispensable. Déjà on a mis tout en œuvre pour prévenir d’avance les esprits contre cette mesure. On la craint ou on affecte de la craindre pour la liberté même… Mais si l’on examine les objections qu’on oppose à ce système, on aperçoit bientôt que ce ne sont que de vains épouvantails, tels que le machiavélisme a coutume de les imaginer pour écarter les mesures salutaires. Les assemblées primaires, dit-on, seront dominées par l’aristocratie. Qui pourrait le croire lorsque leur convocation même sera le signal de la guerre déclarée à l’aristocratie ? Le moyen de croire qu’une si grande multitude de sections puisse être séduite ou corrompue ?… Quelle témérité ou quelle ineptie, dans des hommes que la nation a choisis, de lui contester à la fois le sens commun et l’incorruptibilité dans les décisions critiques où il s’agit de son salut et de sa liberté ?

« Quel spectacle affligeant pour les amis de la patrie ! Quel objet de risée pour nos ennemis étrangers, de voir quelques intrigants, aussi absurdes qu’ambitieux, repousser le bras tout-puissant du peuple français, évidemment nécessaire pour soutenir l’édifice de la Constitution sous lequel ils sont prêts d’être eux-mêmes écrasés ! Ah ! croyez que la seule inquiétude qui les agite, c’est celle de perdre leur scandaleuse influence sur les malheurs publics ; c’est la crainte de voir la nation française déconcerter le projet qu’ils ont déjà bien avancé, de l’asservir ou de la trahir !

« Les Autrichiens et les Prussiens, disent les intrigants, maîtriseront les assemblées primaires. Se seraient-ils donc arrangés pour livrer la France aux armées de l’Autriche et de la Prusse ? »

Et Robespierre continue, ainsi, amer, implacable, à déchirer le discours de Brissot.

Donc la Convention nationale sera convoquée, mais que fera-t-elle ? Deux choses. Elle limitera le pouvoir exécutif. Elle assurera le contrôle de la nation sur ses mandataires. Mais pour que cette Convention nouvelle puisse parler avec autorité au nom de la nation, il faut qu’elle tienne les pouvoirs de toute la nation. Tous les citoyens prendront donc part à l’élection :

« La puissance de la Cour une fois abattue, la représentation nationale régénérée, et surtout la nation assemblée, le salut public est assuré.

« Il ne reste plus qu’à adopter des règles aussi simples que justes, pour assurer le succès de ces grandes opérations.