Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/515

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

beaucoup de ses éléments avaient, après l’orage, rejoint le club des Jacobins. Mais Danton avait laissé en beaucoup d’esprits l’empreinte de sa force et l’élan de sa volonté. Ce n’est pas en vain que pendant deux années, en toutes les occasions périlleuses, il avait répandu autour de lui l’esprit d’audace, avant les journées des 5 et 6 octobre contre le veto, puis contre le décret arbitraire d’arrestation dont était frappé Marat, et encore contre le roi fugitif et la royauté même après Varennes.

Depuis, il avait gardé son énergie intacte ; il ne l’avait pas laissé prendre aux mille liens subtils qui enlaçaient les Girondins. Il ne l’avait pas non plus laissé refroidir par l’esprit de légalité un peu abstrait de Robespierre ; et maintenant, il était prêt à l’action directe et décisive. Il fallait frapper la royauté au visage. Aussi bien il ne craignait pas de se jeter, de sa personne, au premier rang de la mêlée. Et c’est par son initiative, c’est sous sa présidence que le 27 juillet, la section du théâtre Français prit la délibération fameuse par laquelle elle abolissait la distinction aristocratique des citoyens actifs et des citoyens passifs et appelait à elle tous les citoyens. C’était en réalité une violation première de la Constitution. C’était un acte insurrectionnel. Danton et sa section signifiaient par là qu’ils voulaient, avant tout, restituer le peuple dans son droit, la Nation dans sa souveraineté, et que d’hypocrites formules constitutionnelles, faussées et comme emplies de mensonge par la mauvaise foi de la Cour, ne les arrêteraient pas. Et, si au nom du danger de la Patrie, qui exigeait le concours de tous les citoyens, une loi électorale de privilège pouvait être abolie, à plus forte raison, devant le même intérêt supérieur de la liberté et de la Patrie, devait tomber une monarchie de trahison.

« Les citoyens dits actifs, de la section du Théâtre Français : considérant que tous les hommes qui sont nés ou qui ont leur domicile en France sont Français, que l’Assemblée nationale constituante a remis le dépôt et la garde de la liberté et de la Constitution au courage de tous les Français ; que le courage des Français ne peut s’exercer efficacement que sous les armes et dans les grands débats politiques ; que conséquemment tous les Français sont admis, par la Constitution elle-même et à porter les armes pour leur Patrie et à délibérer sur tous les objets qui l’intéressent.

« Considérant que jamais le courage et les lumières des citoyens ne sont aussi nécessaires que dans les dangers publics ; considérant que les dangers publics sont tels que le corps des représentants du peuple a cru devoir en faire la déclaration solennelle ;

« Considérant qu’après que la Patrie a été déclarée en danger par les représentants du peuple, le peuple se trouve tout naturellement ressaisi de l’exercice de la souveraine surveillance ; que le décret qui déclare les sections permanentes n’est qu’une conséquence nécessaire à ce principe éternel ;

" Considérant qu’une classe de citoyens n’a pas même le droit de s’arroger le droit exclusif de sauver la Patrie ;