Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/526

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traire aux instructions données par lui en juin à son envoyé Mallet du Pan, chargé d’en négocier les termes avec la Prusse et l’Autriche. C’est en vain que Mallet du Pan lui-même et le duc de Brunswick imputent à l’influence des émigrés auprès des souverains les parties les plus blessantes, les plus odieuses du document.

Il est inutile de se livrer à une critique de ces assertions. Car le manifeste, tel que Louis XVI l’avait conçu et demandé, ne pouvait différer que par des nuances de celui qui fut, en effet, rédigé et lancé. Il est bien vrai que dans les instructions remises à Mallet du Pan, Louis XVI disait :

« Le roi joint ses prières aux exhortations pour engager les princes et les Français émigrés à ne point faire perdre à la guerre actuelle, par un concours hostile et effectif de leur part, le caractère de guerre étrangère faite de puissance à puissance. Il leur recommande expressément de s’en remettre à lui et aux cours intervenantes de la discussion et de la sûreté de leurs intérêts, lorsque le moment d’en traiter sera venu. »

Mais le roi avait beau conseiller aux émigrés une réserve que d’ailleurs ils n’observèrent pas. Comment, même sans le concours compromettant des émigrés, la guerre aurait-elle eu le caractère d’une guerre de puissance à puissance ?

Ce n’étaient ni des intérêts territoriaux, ni des rivalités politiques qui guidaient contre la France et Paris les souverains coalisés. C’était bien un parti qu’ils venaient combattre, c’était bien la Révolution ennemie du roi qu’ils venaient écraser ; plus ils affirmaient leur désintéressement, et protestaient contre toute pensée d’attenter à l’intégrité du territoire français, plus aussi ils réduisaient la guerre à être une grande mesure de police de la royauté menacée contre des sujets factieux. Or de là suivait tout le reste. D’ailleurs, dans les instructions mêmes données par le roi à Mallet, on lit ceci :

« N’imposer ni ne proposer aucun système de gouvernement ; mais déclarer qu’on s’arme pour le rétablissement de la monarchie et de l’autorité royale légitime, telle que Sa Majesté elle-même entend la circonscrire.

« Déclarer encore et avec force, à l’Assemblée nationale, aux corps administratifs, aux ministres, aux municipalités, aux individus, qu’on les rendra personnellement et particulièrement responsables, dans leurs corps et biens, des attentats commis contre la personne du roi, contre celle de la reine et de leur famille, contre les vies et propriétés de tous les citoyens quelconques. »

Sur ce thème, on ne pouvait guère broder que le manifeste qui a paru, et tout au plus y aurait-il eu quelques nuances de rédaction qui n’en auraient en rien changé le sens et l’effet, si le roi lui-même avait tenu la plume. En fait, de même que la communication envoyée à l’Assemblée en avril par l’empereur d’Autriche n’était guère que la reproduction du mémoire adressé à Léopold par Marie-Antoinette, de même le fameux manifeste de