Page:Jaurès - Histoire socialiste, II.djvu/560

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avoir décrété l’urgence, décrète aussi, dans la vue de multiplier les petits propriétaires : 1o qu’en la présente année, et immédiatement après les récoltes, les terres, vignes, et prés appartenant ci-devant aux émigrés seront divisés par petits lots de deux, trois, ou au plus quatre arpents, pour être ainsi mis à l’enchère et aliénés à perpétuité par bail à rente en argent, laquelle sera toujours rachetable ; 2o que l’Assemblée nationale rapporte à cet égard son décret qui ordonne que les biens des émigrés seront vendus incessamment, mais que ce décret subsistera pour le mobilier et pour les châteaux, édifices et bois non susceptibles de division en faveur de l’agriculture ; 3o que ceux qui offriront d’acquérir, argent comptant, terres, vignes et prés seront néanmoins admis à enchérir de quelle portion ils voudront, le tout suivant le mode que présenteront sans retard les comités d’agriculture et des domaines réunis. »

Ainsi, sans exclure les payements immédiats dont la Révolution avait besoin, sans interdire à la bourgeoisie ou aux riches paysans de surenchérir, pour ces payements immédiats, sur l’enchère du bail à rente du paysan pauvre, l’Assemblée se propose bien à ce moment par la division obligatoire en petits lots, et par la substitution du payement par rente au payement en capital, de susciter des légions de petits propriétaires.

Sur la question des biens communaux l’Assemblée n’aboutit pas. Le 8 septembre, François de Neufchâteau, rapporteur, lui fit savoir que le Comité, quand il avait voulu déterminer le partage des biens, s’était heurté aux difficultés les plus grandes ; et qu’il avait préféré laisser les communes libres, et ne point présenter de projet à cet égard. Cambon s’éleva avec force contre cette conclusion négative. Il s’écria « qu’il fallait ordonner impérativement le partage égal des communaux entre les citoyens infortunés qui n’ont pas de propriétés ». L’Assemblée rendit un décret conforme à la pensée de Cambon, mais ce n’était qu’un décret de principe. Cambon demanda le renvoi au Comité, auquel il exposerait ses vues sur le mode de partage.

Et il ajouta :

« Mais si l’on veut discuter aujourd’hui cette question, je demande que le partage soit fait par individu indistinctement. Si vous adoptez ma proposition, un père de famille qui aura huit enfants recevra neuf portions, et le célibataire n’en aura qu’une. Ce mode de partage me paraît être conforme à la plus stricte équité. »

Un autre député demande « que le partage soit fait en sens inverse des propriétés des citoyens, c’est-à-dire que le plus riche ait la plus faible portion, et le plus pauvre la plus considérable ».

La question fut renvoyée au Comité. La Législative, qui touche à son terme, ne la résoudra pas. Elle sera résolue par la Convention, mais dès ce moment, une espérance nouvelle et prochaine luit aux yeux des paysans. La question des biens communaux avait fait surgir une autre proposition. Il ne suffisait pas d’assurer aux pauvres, aux sans-propriété, la répartition des biens