Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

médiats du peuple, alors la force populaire ne sera plus une, et il existera dans la machine de votre gouvernement un germe éternel de divisions, qui feront encore concevoir aux ennemis de la liberté de coupables espérances. Il faudra que le peuple, pour se délivrer de cette puissance destructive de sa souveraineté, s’arme encore une fois de sa vengeance. Dans cette nouvelle organisation, le peuple voit entre lui et vous une autorité supérieure qui, comme auparavant, ne ferait qu’embarrasser la marche de la Commune. Quand le peuple a sauvé la patrie, quand vous avez ordonné une Convention nationale qui doit vous remplacer, qu’avez-vous autre chose à faire qu’à satisfaire son vœu ? Craignez-vous de vous reposer sur la sagesse du peuple qui veille pour le salut de la patrie qui ne peut être sauvée que par lui ? C’est en établissant des autorités contradictoires qu’on a perdu la liberté, ce n’est que par l’union, la communication directe des représentants avec le peuple qu’on pourra la maintenir. Daignez nous rassurer contre les dangers d’une mesure qui détruirait ce que le peuple a fait ; daignez nous conserver les moyens de sauver la liberté. C’est ainsi que vous partagerez la gloire des héros conjurés pour le bonheur de l’humanité ; c’est ainsi que près de finir votre carrière, vous emporterez avec vous les bénédictions d’un peuple libre.

« Nous vous conjurons de prendre en grande considération, de confirmer l’arrêté pris par le Conseil général de la commune de Paris, afin qu’il ne soit pas procédé à la formation d’un nouveau directoire de département ». (Vifs applaudissements.)

Et comment, en effet, deux jours après le Dix Août, l’Assemblée n’aurait-elle pas applaudi les délégués de la Commune révolutionnaire ? Mais elle dut être secrètement meurtrie et inquiète. Au fond, Robespierre avait raison. Puisque l’Assemblée législative hésitante avant le Dix Août, ou même inclinée vers Lafayette, avait laissé au peuple révolutionnaire de Paris, organisé en Commune, le soin de sauver au péril de sa vie la patrie et la liberté, puisqu’elle avait dû reconnaître ce pouvoir révolutionnaire et spontané, ce pouvoir de salut populaire et national, comme l’expression d’une légalité nouvelle, il ne fallait pas contrarier et lier la Commune avant qu’elle eût accompli son œuvre. Il ne fallait point l’embarrasser des formes surannées d’une légalité hostile. L’Assemblée le comprit, ou du moins elle se résigna. Thuriot appuya la motion de la Commune en quelques paroles sobres et fortes :

« Nous sommes convaincus que, dans les circonstances actuelles, il faut que l’harmonie règne entre les représentants du peuple et la commune de Paris, que c’est de cette union que doit résulter la liberté publique. Il faut, surtout dans ce moment, simplifier la machine du gouvernement ; car plus la machine est simple, plus les effets en sont heureux. Et c’est dans ce moment surtout qu’il ne doit y avoir entre le peuple et vous aucun intermédiaire. »