Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/198

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Le 6 novembre, à Jemmapes, aux environs de Mons, il frappa un coup décisif et éblouissant. Cette fois, ce n’est plus comme à Valmy une glorieuse défensive, ce n’est plus seulement l’héroïque constance sous le canon de l’ennemi. C’est l’offensive hardie, c’est l’assaut livré à des lignes de redoutes échelonnées sur de formidables hauteurs ; c’est un grand combat corps à corps où tout soldat donna de sa personne. Il y a dans le rapport de Dumouriez à la Convention une merveilleuse allégresse :

« L’armée des Autrichiens était composée, selon les calculs les plus modérés, de 20,000 hommes, dont 3,500 de cavalerie, d’autres la portent à 28,000 hommes ; nous n’avions pas plus de 30,000 combattants. La position des Autrichiens était formidable ; leur droite, appuyée au village de Jemmapes, formait une équerre avec leur front et leur gauche, qui était appuyée à la chaussée de Valenciennes. Ils étaient placés dans toute cette longueur sur une montagne boisée où s’élevaient en amphithéâtre trois étages de redoutes, garnies de 20 pièces de grosse artillerie, d’au moins autant d’obusiers et de 3 pièces de canons de campagne par bataillon ; ce qui représentait une artillerie de près de 100 pièces à feu. Nous en avions autant, mais l’élévation de leurs batteries leur donnait un grand avantage, si nous persévérions à vouloir terminer l’affaire à coups de canon. Déjà depuis longtemps les troupes, si confiantes en leur valeur, m’avaient témoigné le désir le plus vif de se mesurer de près avec les ennemis. Je partageais cette confiance, parce que dans tous les mouvements que je leur avais fait faire sous le feu de l’ennemi, je les avais vues manœuvrer et marcher comme à l’exercice. Dans les trois précédentes journées, j’avais admiré moi-même leur précision à exécuter les manœuvres et les déploiements que je leur ordonnais.

«… À midi précis, toute l’infanterie se mit en un clin d’œil en colonne de bataillon et se porta avec la plus grande rapidité et la plus grande allégresse, vers les retranchements de l’ennemi. Pas une tête de colonne ne resta en arrière ; le premier étage de redoutes fut d’abord emporté avec la plus grande vivacité ; mais bientôt, les obstacles se multipliant, le centre courut des dangers, et je vis de la cavalerie prête à entrer dans la plaine pour charger les colonnes par leur flanc. J’y envoyai le lieutenant-général Égalité (le fils du duc d’Orléans, le futur Louis-Philippe) qui, par sa valeur froide, rallia très vite les colonnes, et les mena au second étage des redoutes.

«… Je ralliai très vite la cavalerie de Beurnonville et elle chargea dans l’instant même, avec la plus grande vigueur, la cavalerie ennemie qui gagnait déjà notre flanc droit. Pendant ce ralliement, cette cavalerie voulut enfoncer le premier bataillon de Paris, qui la reçut avec la plus grande vigueur et lui tua 60 hommes d’une décharge. Dans l’intervalle de ce combat de la droite, notre gauche avait emporté le village de Jemmapes ; notre centre avait enlevé les secondes redoutes ; il fallut donner un nouveau combat sur la hauteur ; mais il fut moins long et moins vif, les Autrichiens étaient entièrement