Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/22

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et de bruit, habile aux paroles déclamatoires qui simulent la passion, est nommé secrétaire greffier de la Commune.

Je ne puis m’attarder au détail des arrestations faites sur l’ordre de la Commune. On le trouvera dans les si intéressants procès-verbaux publiés par M. Maurice Tourneux. Je note en quelques jours l’arrestation de Mme de Navarre, Bazire, femme de chambre de Mme Royale, Thibault, première femme de la reine ; Saint-Brice, femme de chambre du prince royal ; Tourzel, gouvernante des enfants du roi ; demoiselle Pauline Tourzel, Marie-Thérèse-Louise de Savoie, Bourbon-Lamballe ; M. Lorimier de Chamilly, premier valet de chambre du roi et du prince royal ; de M. de la Roche du Maine, de M. Masgoulier, ancien valet de chambre de Monsieur ; de Mme de la Brétèche, ci-devant femme de garde-robe de Mme d’Artois ; de M. Duveyrier, ancien rédacteur, avec Bailly, du Procès-verbal des électeurs ; de MM. Lajard, d’Ermigny, Plainville, la Reynie, Quassac, Charton, Charlon frères, Millin, Barré, Crépin, Aubry, Lapierre, Quintin, Larchin, Aclocque et Curney, dont plusieurs appartenaient à l’état-major de la garde nationale. À vrai dire, cet acharnement sur la haute domesticité royale a quelque chose d’un peu puéril ; et l’héroïque Commune qui, dans la nuit du 10 Août, prit de si grandes responsabilités se diminue un peu à traquer ces valets de chambre titrés. Elle espérait sans doute arracher à ces hommes et à ces femmes quelques révélations sur la famille royale. Peut-être aussi le Conseil de la Commune sentait-il que, pour prolonger son pouvoir révolutionnaire il devait prolonger, si je puis dire, la crise révolutionnaire, et par la recherche même des plus obscurs comparses du grand drame, en continuer l’impression toute vive et le souvenir ardent.

Parfois quelque chose d’un peu théâtral et vain se mêlait à son action. Qu’il ordonnât d’abattre tous les vestiges de féodalité, tous les écussons ou armoiries qui pouvaient subsister encore aux maisons de Paris, qu’il ordonnât « à tous les citoyens exerçant un négoce et ayant des boutiques et magasins, de détruire dans le délai de quinze jours, les enseignes, figures et tous emblèmes qui rappelleraient au peuple les temps d’esclavage » cela se comprenait ; car aux heures de crise violente et de lutte exaspérée les symboles du passé ressemblent à une provocation. Il était plus hasardeux d’ordonner la démolition de la porte Saint-Denis et de la porte Saint-Martin que le bourgeois même révolutionnaire du centre de Paris aurait vu sans doute disparaître avec regret. L’ordre demeura d’ailleurs sans effet ; mais il semblait dénoter une activité un peu brouillonne et excitée. De même était-ce vraiment réaliser l’égalité dans la mort que d’imposer pour les obsèques de tous les citoyens le même cérémonial religieux ? Oui, tous ces citoyens s’en vont au cimetière dans des cercueils uniformes et escortés du même nombre de flambeaux ; mais les uns laissent à leur femme et à leurs enfants pauvreté et désespoir, les autres, fortune et puissance. À quoi bon alors cette parade