Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/229

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que la foi encore persistante et ombrageuse d’une grande partie du peuple permettra à l’Église de s’imposer à la Révolution et de la limiter.

Depuis plusieurs mois et avant le Dix-Août, les mesures anticléricales de la Commune de Paris avaient irrité le clergé constitutionnel, et en même temps elles lui avaient donné le sentiment de sa force par l’émotion qui s’était soudain propagée dans le peuple des faubourgs.

Dès le mois de juin, Pétion étant maire et Manuel procureur de la Commune, il y eut quelques agitations populaires à propos de la Fête-Dieu. Et de longues controverses s’élevèrent. Pourtant la municipalité n’avait pas interdit la procession. Elle s’était bornée à lui enlever tout caractère officiel et obligatoire, à décider que nul ne serait tenu de tapisser la façade de sa maison et d’orner sa porte, et que les autorités municipales ne figureraient point dans le cortège.

La plus grande hardiesse de Manuel avait été d’annoncer qu’un jour, sans doute, chaque culte s’enfermerait dans son temple. Le docteur Robinet, dans le second volume de son consciencieux travail sur Le Mouvement religieux à Paris pendant la Révolution, dont un parti pris étroitement comtiste ne diminue point la solidité et la probité historiques, a publié les principaux documents qui éclairent ce significatif épisode.

Le Corps municipal, le 1er juin, arrête :

« Que ne pouvant, aux termes de la Constitution, établir aucune imposition directe ou indirecte, parce que ce droit est exclusivement réservé au Corps législatif, il ne peut forcer les citoyens à tendre, ni tapisser, en aucun temps, l’extérieur de leurs maisons, cette dépense devant être purement volontaire et ne devant gêner, en aucune manière, la liberté des opinions religieuses ;

« 2o Que les citoyens soldats ne devant se mettre sous les armes que pour l’exécution de la loi et la sûreté publique, la garde nationale ne peut être requise pour assister aux cérémonies d’un culte quelconque ;

« 3o Que la prospérité publique et l’intérêt national ne permettant pas de suspendre la liberté et l’activité du commerce, les citoyens ont le droit d’exercer en tout temps les facultés industrielles qui leur sont garanties par le payement de leurs contributions et patentes.

« Le Corps municipal enjoint aux commissaires des sections de police et aux commandants de la garde nationale de veiller au maintien de l’ordre public, conformément aux dispositions du présent décret. »

Au fond, c’était, à assez brève échéance, la suppression des processions dans Paris ; car dire que la force publique s’emploierait à maintenir partout, et à travers la procession même, la libre circulation des citoyens allant à leurs affaires ou à leurs plaisirs, c’était rendre pratiquement impossible le déploiement de la procession.

Manuel, par une instruction aux comités des quarante-huit sections, commenta