Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/343

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couronne civique, l’estime publique la mieux fondée… et vous voilà jetés dans la fange des méchants. »

Faudra-t-il donc, pour s’assurer le droit politique, s’enrichir à tout prix ?

« Usurpez, rendez-vous riches dans les ténèbres : apportez un marc d’argent au grand jour, vous serez citoyens et l’on comptera les vertus après. Alors, soyez avares et durs, de peur d’écorner votre droit de citoyen. »



Assignat de quatre cents livres
(D’après un document de la Bibliothèque Nationale.)


Mais quoi ! à cette classe aussi imprévoyante qu’égoïste qui, en déliant le peuple du contrat social, a créé la guerre profonde et l’insécurité générale, et qui, en abaissant la pauvreté, où elle peut tomber, s’est abaissée elle-même L’Ange va-t-il lancer une parole définitive de combat et de mépris ? Est-ce la lutte des classes qu’il va organiser pour conquérir d’abord la démocratie et pour faire valoir ensuite cette créance qu’il a reconnue à tous les serviteurs sur tous les maîtres ? L’état de guerre, il le constate, mais va-t-il en tirer parti et préparer l’assaut contre le privilège politique et social de la bourgeoisie ? Non, la pensée de L’Ange prend soudain un autre tour. Soit qu’il n’ait pas confiance en la force des prolétaires et en leur faculté d’action, soit qu’en son grand rêve fraternel il veuille épargner à l’humanité les convulsions sanglantes, c’est à de pacifiques espérances qu’il s’abandonne. La pensée de ceux qu’on appellera plus tard les socialistes utopistes est déjà en lui. Il rêve d’un grand homme, d’un grand sauveur de l’humanité, qui fera honte aux privilégiés de leur égoïsme et de leur aveuglement et qui les amènera par la persuasion à une politique plus juste. Et qui sait si le roi lui-même, qui a convoqué les États Généraux, qui a dit plus d’une fois qu’il aimait le peuple, ne