Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/358

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la propriété, que le peuple voudra agir, parer aux souffrances pressantes. La théorie de L’Ange est un germe profond d’avenir ; mais c’est l’idée du maximum qui est la force présente. C’est sous cette forme que la revendication prolétarienne commence à presser et assaillir la Convention.

Quelques jours à peine après le si important discours du délégué du Loir-et-Cher, le 3 décembre, le procureur-syndic du département d’Indre-et-Loire, après avoir soulevé les applaudissements de la Convention par le récit de ses efforts pour faire respecter la loi, la trouble et la heurte par la brusque demande de la taxation des denrées : « Citoyens, nous vous proposons le seul remède que nous croyons efficace dans une circonstance aussi délicate. Mettez à la portée du peuple, par une taxe générale sur tous les comestibles, ces objets de première nécessité ; alors vous ajouterez au bienfait d’avoir créé la République, celui de la sauver. » Une partie de la Convention applaudit, l’autre murmura. Mais le problème était irrévocablement posé.

Les hésitations de la Convention étaient extrêmes. Tout d’abord, elle ne discuta même pas l’idée du maximum et de la taxation ; celle-ci lui paraissait trop violemment contraire à la liberté des échanges et au droit de la propriété individuelle, sans doute aussi d’une application trop malaisée. La seule question qu’elle se risque à aborder est celle-ci : Comment obliger les propriétaires et les fermiers à apporter leur blé sur les marchés ? Mais ici encore son embarras est grand. Les comités d’agriculture et de commerce réunis proposèrent le 3 et le 16 novembre, par le rapport de Fabre de l’Hérault, un projet assez mêlé :

« Art. 1er. — Immédiatement après la publication du présent décret, tout propriétaire, fermier ou dépositaire quelconque sera tenu de faire, devers la municipalité du lieu de son domicile, la déclaration de la quantité de grains qu’il possède dans ses greniers et, par approximation, celle qui lui reste à battre dans ses granges ; les directoires du district nommeront des commissaires pour surveiller l’exécution dans les diverses municipalités.

« Art. 2. — D’après lesdites déclarations les officiers municipaux pourront requérir tout propriétaire, fermier ou dépositaire quelconque, de porter dans le marché public qu’il désignera lui-même, la quantité de grains qui sera jugée nécessaire, sans qu’en aucun cas et sous aucun prétexte on puisse en taxer le prix.

« Art. 3. — Les bladiers et muletiers pourront continuer leur commerce, mais ne pourront vendre que dans les marchés publics.

« Art. 18. — Les marchands qui voudront faire des achats de grain hors les lieux de leur domicile seront tenus de se pourvoir d’un certificat de leur municipalité, visé par le directeur du district, constatant la quantité de grains qu’ils ont dessein d’acheter et les lieux de leur destination ; ces certificats seront représentés à la municipalité du lieu de l’achat et visés par elle, et ils