Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/412

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coquilles si fréquentes dans la feuille hâtive de Marat, imprime surveillés), les effets pillés ont été restitués : exemple de justice indispensable, non pour l’honneur du nom français, comme le dit Custine, mais pour ne pas flétrir les armes des soldats de la patrie, et ne pas inspirer de l’éloignement, ou jeter de la défaveur sur la cause de la liberté qu’ils ont à soutenir. »

Sans violence, mais très justement, il fait porter à la Gironde, si violemment accusatrice, une part de responsabilité dans les massacres de septembre (6 octobre) :

« On prétend que ce sont des brigands qui ont massacré les traîtres et les scélérats contenus dans les prisons. Si cela était, Pétion serait criminel d’avoir laissé paisiblement des brigands consommer leurs forfaits pendant deux jours consécutifs, dans toutes les prisons de Paris ; sa coupable inaction serait le plus affreux des crimes et il mériterait de perdre la tête pour n’avoir pas mis sur pied toute la force armée pour s’y opposer. Il vous dira, sans doute, pour se disculper que la force armée n’a pas voulu obéir, et que tout Paris était à l’expédition, et c’est un fait : convenez donc que c’est une imposture que d’avoir rejeté sur des brigands une opération malheureusement trop nécessaire. »

Il affecte de répondre avec calme aux invectives des Girondins ; et même, chose curieuse, il me semble que je surprends dans tout ce qu’il dit de Buzot, une nuance de sympathie respectueuse. Tout d’abord, même dans la séance du 25, où Buzot commença l’attaque par une proposition contre la dictature, Marat ne paraît pas voir là un acte d’hostilité :

« Buzot, écrit-il, observe avec raison que ce n’est pas la dictature qu’on doit craindre, mais les moyens qu’on peut employer pour y conduire ; que la peine de mort demandée contre ceux qui proposaient la dictature doit être décernée avec réflexion et il en demande le renvoi aux six comités. »

Il est vrai que Marat aurait pu être frappé par la proposition directe de Danton. Après la séance du 4 octobre où les Girondins avaient accablé Marat d’injures, où Buzot lui avait lancé l’outrage le plus sanglant : « Les Prussiens demandent la parole pour Marat », il s’exprime avec une sorte de réserve. « Plusieurs membres de la Commission et quelques-uns de leurs collègues me couvrent d’invectives du haut de la tribune. Dans cette attaque magnanime se signalent le hardi Barbaroux, Guadet et Buzot. Je leur pardonne ces injures, elles ne peuvent décrier que leurs auteurs, et les tribunes qui restaient dans le silence au bruit des applaudissements répétés des acolytes de la clique Brissot, ont dû se demander avec surprise d’où pouvait venir l’acharnement de tant d’augustes législateurs contre le défenseur du peuple. Mais ce qui m’a peiné jusqu’au fond de l’âme, c’est l’art avec lequel le Frère tranquille Buzot, après avoir vomi sur moi son venin empoisonné, a soulevé l’amour-propre de ses collègues contre le comité de surveillance et les a provoqués à tirer vengeance de la dénonciation, lui dont l’âme platonique doit être au-