Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/417

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donner et réduire à l’impuissance l’intrigante faction de la Gironde. La Convention, une fois redevenue vraiment maîtresse d’elle-même, et affranchie des coteries, emploiera sa force une et son esprit libre à bien déterminer les périls dont la France révolutionnaire est enveloppée et à les combattre. Pas de griserie, pas de fanfaronnade ; une vue nette et sobre des choses, et un immense effort proportionné à l’immense danger.

« Il est certain que depuis quelques mois la France est dans un état de contention violente, tous les ressorts de l’État sont tendus, et elle s’est épuisée pour déployer de grandes forces. Plus de huit cent mille combattants sont à la solde du trésor public ; à peine la moitié sont-ils vêtus et armés, trois cent mille hommes exténués par la faim, les fatigues, les intempéries des saisons emplissent les hôpitaux, où ils empêchent les blessés de trouver place. Cinquante mille hommes rapidement enrôlés dans un âge trop faible ou trop avancé, ont péri de maladies. Ainsi, au lieu de nous en imposer éternellement par un faux étalage de nos forces et de nos succès, si nos généraux et nos ministres avaient exposé le véritable état des choses, la nation aurait enfin senti la nécessité de prendre de grandes mesures et nous aurions aujourd’hui des armées formidables. »

Il se garde bien de défier l’Europe ; il a hâte de voir se dissoudre la coalition formée contre la France. Il écrit le 15 octobre :

« Nos succès à l’égard des Prussiens ne paraissent pas douteux ; ils sont moins dus aux avantages de nos armes, qu’aux pertes qu’ont faites leurs troupes par le flux du sang, au découragement qui s’empare toujours des armées longtemps tenues en échec, et surtout aux regrets du roi de Prusse de s’être engagé dans une expédition qui n’est rien moins que glorieuse pour lui, et qui menace de lui devenir funeste par le mécontentement qu’elle a dû exciter dans ses États, mécontentement qui pourrait bien devenir le germe d’une insurrection prochaine.

« On a fait un crime à Dillon d’avoir parlementé avec lui, pour la reddition de Verdun, et on a demandé, de la tribune de la Convention, un décret qui interdît à nos généraux la faculté de traiter avec l’ennemi. Personne au monde n’eut moins de confiance que moi dans nos généraux, nommés par l’ex-monarque, pris parmi les courtisans, couverts de ses couleurs et comblés des faveurs de la Cour… Malgré mon rigorisme trop fondé, l’improbation des mesures prises par Dillon, à l’égard des Prussiens, pour la reddition de Verdun, ne m’a paru qu’une mauvaise chicane, et le décret proposé n’est qu’un moyen d’entraver les opérations de nos armées, et d’empêcher les chefs de fixer la victoire en profitant de leurs avantages. Dillon n’a fait, à l’égard du commandant prussien, que ce que doit faire un général, et ce que font tous les généraux avant d’assiéger une place, je veux dire demander sa reddition et capituler. Si l’on considère que la ville de Verdun est peuplée de Français, et qu’elle devait être assiégée par des Français, où est le citoyen