Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/421

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ruines et des cadavres, goûter le sang, l’or et l’atrocité. (Vifs applaudissements).

« Département sage, mais peu puissant ; Commune active et despote ; peuple excellent, mais dont une partie saine est intimidée ou contrainte, tandis que l’autre est travaillée par les flatteurs et enflammée par la calomnie ; confusion des pouvoirs, abus et mépris des autorités ; force publique faible ou nulle par un mauvais commandement : voilà Paris. »

C’est le radotage fielleux et vertueux d’un bureaucrate qui se plaint dans la même phrase de ne pas retrouver des matelas et d’entendre professer des principes de meurtre et de sang. Mais à qui s’appliquaient donc ces diatribes, et à quoi tendaient-elles, juste à l’heure où la Commune était visiblement assagie et où Marat lui-même reniait ses doctrines d’extermination ? Roland s’acharne à souffler sur les cendres qui se refroidissent pour en faire jaillir à nouveau le feu de la guerre civile. Et qui donc pouvait-il caractériser ainsi ? Quel était le parti qui cherchait à « goûter le sang et l’atrocité » ? Était-ce Robespierre ? Était-ce Danton ? Déclamation niaise ou calomnie forcenée. Ah ! les faux sages, que de mal ils ont fait avec leurs petites vues, leur vanité austère et leurs rancunes infinies !

Et Roland, une fois de plus, offre à des poignards imaginaires sa vie que nul ne menace :

« Je déplais aux faibles, qui craignent une lumière dont ils se sentent incommodés ; aux pervers, qui s’irritent de celle qui les fait connaître ; aux ignorants, toujours prêts à se fâcher de la preuve de ce qu’ils n’avaient pu soupçonner ; les bons eux-mêmes s’inquiètent un moment ; ils voudraient douter du mal qui les afflige et qu’ils n’ont pas su prévoir ; mais entre la vérité qui blesse et qui sert, la flatterie qui tue, ou le silence qui trahit, je n’hésiterai jamais un instant, ma vie même y fût-elle intéressée. (Vifs applaudissements.) »

Hé ! qui donc alors en voulait à sa vie ? Mais qui fera taire à temps cette vieille corneille lugubre et bavarde, perchée sur l’arbre de la liberté ? Ce triste ramage et ce sombre plumage sont un signal de guerre civile. Chaque fois que cet homme parle, et il parle toujours, chaque fois qu’il gémit, et il gémit toujours, les passions furieuses sont aux prises et la Révolution se déchire. À son rapport sinistre et creux, Roland annexe, pour en préciser l’effet, des rapports de police, dont un visait Robespierre, on va voir de quelle façon misérable.

« Lettre adressée au ministre de la justice.

« J’étais hier, au matin, chez le quidam féroce dont nous avons parlé plusieurs fois. Il est venu un particulier de la section de Marseille, et qui plus, membre du club des Cordeliers. Ce misérable fit une longue apologie de la journée du 2 septembre, et il ajouta que cette affaire n’était pas com-