capable de renaissances indéfinies dont il est seul la règle et le but, est
ainsi, au fond, pleinement affranchi de Dieu, pleinement et à jamais, comment pourrait-il supporter, dans la phase de l’univers où il est engagé, la
tyrannie des puissances moindres ? Là où M. Mehring, avec son interprétation
pauvrement économique et étroitement matérialiste de la pensée humaine,
ne voit qu’un reflet de ce qu’il appelle « la misère allemande », je vois, au
contraire, une audace de pensée admirable, et qui va à la liberté absolue.
Mais est-ce que ces retours et ces réveils de l’esprit ne laissent pas entre eux
de trop longs intervalles d’ombre ?
« Est-ce qu’il n’y aura pas aussi trop de temps perdu pour moi ? Perdu ? Et qu’ai-je donc à m’en inquiéter ? L’éternité tout entière n’est-elle pas à moi ? »
Ce pourrait être, à ce moment, la devise de toute la grande pensée allemande pour ses plus magnifiques audaces : elle dit volontiers : « Qu’ai-je à me passionner pour de précaires et immédiates réalisations ? L’éternité n’est-elle pas à moi ? » Et comme ce qui ressemble le plus, dans l’ordre du temps, à l’éternité, c’est cette lente et insensible évolution qui ne permet pas de marquer jamais l’avènement précis d’une force et le terme exact d’un mouvement, c’est sous cette forme d’un mouvement presque immobile que Lessing