Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/607

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Ces vers de Schiller sont la noble bouture qui s’est greffée en mon âme, dans la vie naissante de ma pensée.

« Aux souvenirs les plus lointains de mon enfance appartient un voyage, où je me trouvai à côté de mon père du matin au soir dans une voiture attelée d’un seul cheval : elle était protégée par un capotage et des rideaux de cuir contre la pluie qui tombait parfois à torrents et, bien avant dans la nuit, elle nous porta à travers la campagne sombre jusqu’à notre métairie de Beckerade.


Boyer-Fonfrède.
(D’après un document du Musée Carnavalet.)



« Tout le temps que mon père n’avait pas à répondre aux questions d’un curieux enfant de cinq ans, il lisait dans un livre, l’Esprit des lois de Montesquieu, et quand il fermait parfois le livre, il fredonnait et chantait à côté de moi son chant préféré, dont les deux premiers vers :

Enlacez-vous, millions d’hommes,
C’est le baiser universel.


me sont restés dans la mémoire. Deux fois mon père chanta sur le même air