Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/670

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paye le profit du fermier. Ces trois parties semblent constituer immédiatement ou en définitive la totalité du prix du blé. »

Mais Smith a le pressentiment que de ces trois éléments, qu’il ne dissout pas pourtant l’un dans l’autre, le travail est le plus fondamental.

« Il faut observer que la valeur réelle de toutes les différentes parties constituantes du prix se mesure par la quantité de travail que chacune d’elles peut acheter ou commander. Le travail mesure la valeur, non seulement de cette partie du prix qui se résout en travail, mais encore de celle qui se résout en fermage, et de celle qui se résout en profit. »

L’expression est assez équivoque et obscure. Car, le montant du fermage ou le profit du capital peut être employé, soit à acheter en effet du travail, c’est-à-dire à payer des salaires, soit à acheter des marchandises dont le prix est, selon Smith, déterminé par la rente et le profit aussi bien que par du travail. Et alors, pourquoi retenir seulement une des deux hypothèses, et mesurer la valeur de la rente et du profit par la seule quantité de travail qu’ils peuvent acheter et commander ? Ou alors, c’est que des trois éléments qui concourent, selon Smith, à former le prix d’une marchandise, rente, profit, travail, c’est le travail qui à l’analyse apparaît comme l’élément ultime : et il ne suffit plus de dire que le travail mesure toute valeur. Il faut dire encore qu’il constitue toute valeur. Mais comment pourrait-il la mesurer s’il ne la constituait pas ? Ainsi Smith est sur la voie des conceptions de Ricardo et de Marx. Et cette prééminence du travail dans la constitution de la valeur est bien le signe d’une civilisation industrielle croissante, où la part de la rente du sol, de la matière brute, va s’atténuant au profit du travail.

« À mesure, dit Smith, qu’une marchandise particulière vient à être plus manufacturière, cette partie du prix qui se résout en salaires et en profits devient plus grande en proportion de celle qui se réduit en rente. »

C’est bien l’avènement du capitalisme industriel, et toute la théorie de Smith a une puissante orientation industrielle. Ce n’est pas que selon Smith la rente de la terre soit appelée à disparaître ou même à diminuer. Elle va haussant au contraire, mais par l’effet d’une prospérité générale croissante dont le développement des manufactures est un élément décisif.

« Je terminerai ce long chapitre en remarquant que toute amélioration qui se fait dans l’état de la société tend, d’une manière directe ou indirecte, à faire hausser la rente réelle de la terre, à augmenter la richesse du propriétaire, c’est-à-dire son pouvoir d’acheter le travail d’autrui ou le produit du travail d’autrui.

« L’extension de l’amélioration des terres et de la culture y tend d’une manière directe. La part du propriétaire dans le produit augmente nécessairement à mesure que le produit augmente.

« La hausse qui survient dans le prix réel de ces sortes de produits bruts, dont le renchérissement est d’abord l’effet de l’amélioration et de la culture