Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/724

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contre la corruption qui peut atteindre dans le cours des ans le corps de la Constitution, s’il n’y est pourvu par de sages et judicieuses lois.

« Aux hommes qui raisonnent de cette manière, je ne me risque point à soumettre des propositions, car je désespère de les convaincre ; mais j’ai l’espoir bien fondé que dans ce que je soumets à la Chambre, je parviendrai à convaincre les gentlemen dont j’ai parlé d’abord, que, quelles que soient leurs objections à des idées générales et indéfinies de réformes, leurs arguments ne portent pas contre les propositions précises et explicites que je leur fais. »

Ainsi, en 1785, ce jeune ministre de vingt-cinq ans, éclairé et grave, essayait de concilier la tradition whig qu’il avait reçue de son père, le grand Chatham, et l’esprit tory de prudence et de conservation. C’est un nouveau parti tory, un parti de conservation avisé et ouvert à l’esprit de réforme, qu’il entendait fonder. Avant même que le grand souffle orageux de la Révolution française se fût levé sur le monde, il sentait que pour défendre efficacement le vieil édifice de la Constitution anglaise contre l’esprit inquiet d’innovation il fallait la remanier un peu, l’accommoder aux besoins nouveaux. Son souci était de maintenir l’union de la grande propriété foncière et de la grande propriété industrielle en faisant une juste place dans la représentation aux éléments nouveaux, aux cités accrues par le travail et l’échange, mais en maintenant encore l’ancienne primauté des grands intérêts territoriaux. Et il espérait, par des remaniements prudents, par des satisfactions mesurées et précises, apaiser et arrêter pour longtemps toute agitation de réforme. Ainsi, le faisceau des forces à la fois conservatrices et sagement libérales de l’Angleterre serait plus fortement noué que jamais ; et sous la protection de ces forces stables et équilibrées, la nation anglaise si éprouvée par la guerre d’Amérique pourrait tirer tout le bénéfice de la paix reconquise, refaire ses finances, donner le plus grand essor à toutes les puissances économiques dont le livre de Smith avait, dix ans avant, pressenti et annoncé la merveilleuse croissance.

Certes, il ne s’engageait aucunement dans les voies de la démocratie, il ne prévoyait, au delà de la réforme très limitée qu’il apportait, aucun développement.

« Je crois qu’un plan peut être formé, qui soit en harmonie avec les principes premiers de la représentation, qui réforme l’état présent inadéquat et assure pour l’avenir un état adéquat et parfait. Je sais, lorsque je parle ainsi, que l’idée d’une représentation complète et générale comprenant tous les individus et assurant à chacun d’eux sa part personnelle dans le pouvoir de légiférer est incompatible avec la population et l’état de l’Angleterre. La définition pratique de ce que doit être la branche populaire de la législature peut être précisée ainsi : une Assemblée librement élue et unie