Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/794

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temps en temps dans ce pays ; mais maintenant la manière de les répandre est toute nouvelle et le fond même de ces opinions est tout nouveau. La machine a été si bien construite, il y a tant d’habileté et d’artifice chez ceux qui la manient, que si le Parlement n’avait pas été sur ses gardes, et si la partie sensible et honnête de la communauté n’avait pas été aussi active à en contrarier les effets, toute la forme de notre gouvernement aurait été rapidement détruite.

« Je sais qu’il y a une communication constante entre des personnes de Paris et des personnes de Londres dont l’objet est de détruire notre gouvernement. Cette sorte de contre-alliance des Anglais à Paris et des Français à Londres a été formée régulièrement et ses effets se font sentir de la façon la plus alarmante. Dans chaque bourg, dans chaque village et presque dans chaque maison, ces dignes gentlemen ont leurs agents qui répandent régulièrement certains pamphlets ; ces agents sont vigilants et industrieux, ils distribuent ces pamphlets gratis, et c’est bien la preuve qu’une société les défraye de leurs dépenses…

«…L’art avec lequel ces sentiments (de désobéissance) sont introduits dans les basses classes de la société est consommé. Ces agents de révolte prétendent qu’ils ne proposent que des récits philosophiques ; mais au lieu de raisonner philosophiquement dans leurs livres, ils font au contraire des assertions catégoriques (they made round assertions) et ils font bien, pour leur dessein, d’agir ainsi, car les personnes auxquelles ils s’adressent sont incapables de suivre logiquement un sujet des prémisses à la conclusion et ce mode de raisonner ne servirait pas leur cause. Et ils ne risquent pas ces assertions avant d’y avoir préparé les esprits : ils gagnent l’affection des hommes en flattant d’abord leurs passions.

« La loi, même dans le pays le plus libre du monde, peut-elle permettre à tout homme de prêcher la doctrine qu’il lui plaît, et faire autant de prosélytes qu’il peut ? C’est une question que, pour moi, je résous par la négative ; car ces vérités, quelles qu’elles soient, se réduiront à rien si la passion anticipe les conséquences ; or, les pauvres paysans (these poor peasants) n’ont pas le pouvoir de déduire les conséquences et ils sont livrés à la brutalité de l’affirmation. Et je ne vois pas le mal qu’il y aurait à empêcher qu’on explique à un pauvre homme illettré (to a poor illetterate fellow), dont les facultés ne s’étendent qu’à procurer la subsistance à sa famille, des points qui ont divisé les écrivains les plus capables. » Comme si le sentiment aussi n’était pas une lumière ! Comme si la société humaine était une mécanique abstraite réglée par les savants de cabinet ! Comme si la poussée des besoins si des passions ne devait pas entrer dans le calcul de l’équilibre ! Il y a dans ces paroles de Windham autant d’étroitesse aristocratique que de peur. Et c’est la peur qu’il veut propager.

« La vue des novateurs est de détruire tout droit héréditaire et peut-être