Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/92

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démission de la Commission des Douze. Peut-être aussi voulait-il demander, si je puis dire, une nouvelle investiture et provoquer une manifestation de l’Assemblée contre les calomnies de Robespierre : « C’est un devoir pour l’homme public, quand la calomnie s’étend et que la méfiance devient générale, de renoncer à ses fonctions et de rentrer dans la foule. Or, Messieurs, des bruits absurdes ont été répandus sur la Commission extraordinaire, et la Commission est assez sûre de sa conscience et revendique hautement la responsabilité de ses actes pour en faire l’aveu. Accueillis par la crédulité publique ces bruits ont pénétré dans le Conseil général de la Commune, et dans les sections de Paris. Votre Commission extraordinaire dans ces moments de crises et de soupçons, croit devoir vous remettre la mission dont vous l’aviez chargée, surtout lorsqu’il n’y a pas d’imprudence à le faire. »

C’est visiblement aux propos de Robespierre, accusant tout le parti de la Gironde de machiner l’instauration du duc de Brunswick ou du duc d’York que pense Vergniaud. C’est tout un scénario de protestation que la Gironde met en œuvre. Hélas ! Comme les passions s’animent, comme les rivalités s’exaspèrent jusqu’à la mort !

J’ai dit que ces jours d’août à septembre sont comme le prologue de la Convention : c’est comme une ouverture où tous les motifs principaux, toutes les mélodies grandioses ou terribles qui se déploieront tout à l’heure s’annoncent par de rapides indications. Lasource, avec une violence qui fait pressentir le déséquilibre prochain de la Gironde, dénonce les fauteurs d’anarchie. Il dénonce, aussi ouvertement que s’il les nommait, Robespierre et Marat. « Les membres de votre Commission ont besoin de l’estime publique ; on les dénonce on les calomnie, on les poursuit. La continuité de leurs fonctions devient le prétexte des intrigants. Il est instant de le leur ôter en acceptant la démission que nous vous présentons. Ici, à cette tribune, nous saurons défendre contre les intrigants cette liberté, cette égalité, ces droits sacrés du peuple qu’on nous accuse de trahir. Ici, à cette tribune, nous protégerons, nous éclairerons ce peuple que des audacieux entraînent au crime. Ici, à cette tribune, nous combattrons ce tyran sanguinaire qui nous menace d’une mort politique, de l’anarchie. Ici, à cette tribune, au milieu de nos collègues qui nous estiment, nous attendrons la mort du fer de ces vainqueurs farouches, à qui nos accusateurs vendent la patrie, et ouvrent, de concert avec les traîtres, les portes de l’empire. »

Quelle véhémence vaine ! Et comme déjà la Gironde trahit la frivolité déclamatoire qui la perdra ! La démission de la Commission des Douze était absurde si elle n’était pas un effort de conciliation, un gage d’apaisement. Or, elle se démet avec des injures. Il y a à peine vingt-quatre heures, le ministre ami de la Gironde disait : Il faudra peut-être tirer un voile sur les événements. Et voilà que Lasource les évoque à la tribune en couleurs sanglantes ; voilà qu’il prononce contre les principaux acteurs des paroles irréparables. Inco-