Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/148

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Puisque l’armée est à la fois la sauvegarde et l’image de la République, puisqu’en elle la volonté nationale s’affirme par la souveraineté de la loi, et puisque les volontés individuelles s’y manifestent par la pratique du principe électif, il faut qu’il y ait de la République à l’armée une communication incessante d’ardeur, d’enthousiasme. Il faut que l’obéissance commune et joyeuse à la loi librement consentie, aux chefs élus et fortement contrôlés, soit le lien des citoyens et des soldats.

« L’un des devoirs les plus essentiels des représentants du peuple est de se concilier la confiance des généraux. Les moyens de se la concilier doivent être grands, élevés comme le caractère dont ils sont revêtus. Les généraux ne doivent pas apercevoir dans la surveillance des représentants du peuple des motifs de défiance et d’inquiétude ; ils ne doivent voir en eux que des citoyens investis de grands pouvoirs pour les seconder puissamment, pour les soutenir de leur influence et augmenter la confiance publique.

« Plus la surveillance doit avoir un grand caractère, plus elle doit être active. Les représentants du peuple doivent observer le caractère des généraux ; ils doivent étudier leurs principes, leur tactique, leurs mouvements, leur conduite. L’âme d’un héros républicain s’ouvre à la confiance et dédaigne la dissimulation et la politique.

« Il est nécessaire qu’un général soit investi d’une grande confiance, qu’il en ait le sentiment et la conviction ; il faut qu’il ait une grande liberté, une grande indépendance, si l’on veut qu’il conçoive de grands desseins et d’heureux plans.

« La conduite des représentants du peuple envers les généraux secondera la hardiesse et l’élévation de leurs desseins et de leurs entreprises ; ils observeront tout ce qui peut être grand, utile et soutenu, et ce qui ne serait qu’audacieux et téméraire.

« …S’il se trouve encore parmi les officiers généraux et les officiers et sous-officiers de tout grade des Français indignes de porter ce nom, qui ne se dévouent pas sans réserve au maintien de l’égalité et de la République, ils les suspendront, ils les feront aussitôt remplacer selon le mode prescrit par la loi du 24 février, et, si les circonstances ne permettent pas de les remplacer suivant ce mode, ils commettront, pour quinze jours seulement, à l’exercice des fonctions, des militaires d’un grade inférieur connus pour leur civisme.

« Ils ordonneront la répression de tous les officiers suspects, et leur enjoindront de se retirer à vingt lieues des frontières et des armées.

« Ils fraterniseront avec les soldats de la patrie ; ils les visiteront fréquemment ; ils enflammeront leur zèle ; ils leur feront sentir les avantages de la discipline, qui rend les armées invincibles, qui les rend redoutables aux ennemis, qui leur apprend à profiter des succès, qui leur enseigne à se rallier dans les revers, qui soutient le courage, qui lui fait connaître sa force et ses ressources et prévient les déroutes et les défaites ; ils les enten-