Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/158

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légalité scrupuleuse, à chasser tous les traîtres, à frapper tous les spéculateurs ! Qu’il les aide et qu’il les contraigne !

Il y avait eu dès le 30 décembre une première ébauche d’organisation, un premier essai de pression révolutionnaire, lorsque les délégués de dix-huit sections, avec des blessés du Dix-Août, vinrent demander à la Convention de hâter la mort du roi.

L’organisation s’était précisée et affirmée le 17 janvier, dans une manifestation avec la Commune de Paris. Je lis dans le procès-verbal qu’en donne le Moniteur :

« Du 17 janvier. — Hier, une députation de fédérés se présenta au Conseil pour l’inviter à assister aujourd’hui à une cérémonie fraternelle qu’ils devaient célébrer à la place du Carrousel où ont péri leurs frères dans la journée du 10 août. Il fut arrêté que les membres du Conseil assisteraient en corps à cette cérémonie, et y prêteraient le serment fraternel avec les fédérés des 84 départements, les Marseillais, et les 48 sections de Paris.

« Ce matin, le conseil général a adopté en ces termes la forme du serment : « Nous jurons tous d’être fidèles à la nation française, à la loi ; de maintenir l’unité et l’indivisibilité de la République, de défendre jusqu’à la mort les droits sacrés de l’humanité, la liberté et l’égalité. Enfin, nous nous jurons mutuellement union indissoluble et fraternité. Nous jurons de même guerre éternelle à tous les tyrans, sous quelque dénomination qu’ils se présentent. »

« Le Conseil est parti à midi et demi pour se rendre au Carrousel, où se sont trouvés les fédérés de Marseille et des départements et les citoyens des sections. Tous se sont donné l’accolade civique et ont prêté ensemble le serment. Au retour, les membres de la Commune étaient mêlés avec les fédérés et sont entrés avec eux dans la salle du Conseil, qui ne fut jamais si remplie.

« Le procureur de la Commune (Chaumette) a requis que l’historique de cette journée soit gravé sur des pierres de la Bastille, dont une sera envoyée à chacun des 84 départements, et enfin qu’il soit planté sur la place du Carrousel un arbre vivant, ayant pour nom : Arbre de la fraternité.

« Ce réquisitoire a été adopté au milieu des plus vifs applaudissements.

« Plusieurs fédérés ont pris alternativement la parole, et ont juré, au nom des 84 départements, union et fraternité à leurs frères les Parisiens.

« Les baisers fraternels ont été renouvelés. Enfin, tous les citoyens se sont retirés et ont, au son du tambour, dansé la Carmagnole sur la place de la Maison Commune. »

Ainsi les fédérés, gagnés d’abord eux-mêmes par les partis extrêmes de la Révolution, commençaient à envelopper la Commune : ils étaient une force d’action, et ils allaient peu à peu la pousser à l’action.

Mais c’est le 3 février que la nouvelle organisation fait en quelque sorte son apparition officielle à la Convention elle-même. Des « pétitionnaires fé-