Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/274

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sans appel, sans pitié, sèche en un instant, comme la dévorante ardeur d’un ciel implacable, tous les germes de trahison.

Ce n’est pas Danton qui avait pris l’initiative de cette grande et formidable mesure. À vrai dire, elle avait été suggérée d’emblée aux révolutionnaires par l’instinct de conservation, j’entends cette conservation collective qui se confond avec la victoire de l’idée.

Desfieux, aux Jacobins, dès le 3 mars, avait demandé la création d’un « tribunal révolutionnaire ».

Et Jean Bon Saint-André, qui avait été délégué comme commissaire à la section du Louvre, annonça dès le début de la séance du 9 mars le vœu de cette section : elle voulait qu’un tribunal spécialement établi veillât au-dedans pour punir les traîtres, les conspirateurs et les perturbateurs. Au reste, la section du Louvre expliqua elle-même son vœu que Carrier convertit en motion. Carrier employa le mot « tribunal révolutionnaire ».

Dès cette journée du 9, Robespierre, non seulement adhérait à l’idée d’un tribunal révolutionnaire, mais il se préoccupait des moyens de le composer de patriotes ardents. Desfieux dit aux Jacobins, dans la soirée du 9 :

« Je viens de rencontrer Robespierre qui m’a chargé d’inviter tous les députés de la Convention à se rendre à leur poste pour achever l’ouvrage qu’ils ont ébauché ce matin… Il faut organiser sur-le-champ le tribunal révolutionnaire afin que les conspirateurs soient jugés promptement, pour donner satisfaction au peuple »

Mais c’est Danton qui, le 10 mars au soir, comme la Convention allait se séparer sans avoir encore conclu, la somma d’aboutir et attira ainsi sur sa tête la responsabilité historique de cette nécessaire et terrible création : « Je somme tous les bons citoyens de ne pas quitter leur poste. Quoi ! citoyens, au moment où notre position est telle que si Miranda était battu par Clairfait, et cela n’est pas impossible, Dumouriez enveloppé serait obligé de mettre bas les armes, vous pourriez vous séparer sans prendre les grandes mesures qu’exige le salut de la chose publique ! Je sens à quel point il est important de prendre des mesures judiciaires qui punissent les contre-révolutionnaires ; car c’est pour eux que ce tribunal est nécessaire ; c’est pour eux que ce tribunal doit suppléer au tribunal suprême de la vengeance du peuple. Les ennemis de la liberté lèvent un front audacieux. En voyant le citoyen honnête occupé dans ses foyers, l’artisan occupé dans ses ateliers, ils ont la stupidité de se croire en majorité. Eh bien ! arrachez-les vous-mêmes à la vengeance populaire, l’humanité vous l’ordonne.

« Rien n’est plus difficile que de définir un crime politique. Mais si un homme du peuple, pour un crime particulier, en reçoit à l’instant le châtiment, et s’il est si difficile d’atteindre un crime politique, n’est-il pas nécessaire que des lois extraordinaires prises hors du Code social, épouvantent les rebelles et atteignent les coupables ? Ici le salut du peuple exige de grands