Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/308

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qui, comme la capitale du pays de Retz, aient été si longtemps le théâtre des cruautés et des vengeances.

« L’insurrection fut générale dans les environs de cette ville et, par un changement qui parut un effet de la Providence, ceux qui, depuis deux ans, se faisaient un jeu d’incarcérer, de persécuter et d’inquiéter tous les citoyens, éprouvèrent, en ce moment, la peine du talion. Le pillage qu’ils avaient désigné pour le 12 de ce mois fut tourné contre eux-mêmes. Il ne faut pas s’étonner si ces machinateurs de guerres intestines, de schismes et de révolutions furent traités sans miséricorde ; ils n’avaient fait grâce à personne et comptaient encore moins en faire par la suite.

« Ce n’est pas qu’on veuille ici excuser les traits d’inhumanité et d’illégalité des proscriptions auxquelles le peuple se porta dans ces événements tragiques : mais on ne peut s’empêcher d’apercevoir la vengeance de Dieu sur la France, en général et sur toutes ses parties…

« On trouva, le jour du sac de Machecoul, sur l’autel de l’église des religieuses du Calvaire, une peau de veau bourrée de paille, se tenant debout et représentant cet animal vivant. En parallèle, de l’autre côté, était un cheval de bois, nouvellement enlevé d’une paroisse voisine, à qui il servait d’instrument pour une espèce de quintaine. On sut après que c’est en présence de ces deux idoles que se jouaient les pièces de théâtre et les bacchanales mystérieuses et nocturnes des habitants de l’un et l’autre sexe de cette malheureuse ville ; quelques-uns disent que c’étaient les pastorales ou exercices innocents de l’enfance sur la naissance du Messie, ce qui est plus probable, mais n’excuse rien, l’autel ne pouvant servir de théâtre à un exercice profane. Il semblait qu’on eût abjuré partout, et il n’est point d’impiétés auxquelles les écrivains et les libertins ne se livrassent, soit dans les lieux publics, soit dans les maisons particulières. On peut dire que cette malheureuse Révolution est l’époque de l’infâme substitution du paganisme aux principes catholiques… Est-il donc étonnant que Dieu ait enfin vengé sa cause et livré des scélérats qui ne connaissaient plus de frein au bras vengeur de toute une population effrénée ? »

Notez que cette apologie abominable est aggravée par le mensonge et par l’hypocrisie. Il est faux que les patriotes eussent annoncé et organisé le moindre pillage. Il est faux qu’une seule exécution ait eut lieu en Vendée avant les massacres de Machecoul. Et comment qualifier le prêtre qui fait un crime à toute une ville de ces habitudes de culte populaires et un peu enfantines que le clergé lui-même avait propagées, et qui voit là une excuse à une tuerie de vingt jours ?

« Chaque jour, ajoute le bon prêtre, était marqué par des expéditions sanglantes, qui ne peuvent que faire horreur à toute âme honnête, et ne paraissent soutenables qu’aux yeux de la philosophie. Il faut cependant convenir qu’on ne fit point, à beaucoup près, autant d’horreurs qu’au 2 septembre,