Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/310

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

c’étaient des hommes choisis, qui étaient appelés à remplir l’horrible office de bourreaux et de sbires…

«…En considérant l’ensemble des meurtres, il s’y manifeste une pensée : celle de frapper la classe intermédiaire des bourgeois, comme partisans de la Révolution, laquelle est dominée par une pensée plus horrible encore : c’est que l’on a voulu compromettre tellement les paysans qu’ils eussent tout à redouter et ne puissent reculer dans la voie d’extermination… »

Le rapport officiel écrit par le Conventionnel Villers et contresigné par son collègue Fouché, en même temps qu’il retrace le détail d’atrocités presque surhumaines, marque très fortement la responsabilité des chefs.

« Les plus cruels étaient les vieillards, les femmes et les enfants ; les femmes criaient : « Tue ! tue ! », les vieillards assommaient, et les enfants chantaient victoire. Un de ces monstres courait les rues avec un cor de chasse ; quand passait un citoyen, il sonnait la vue, c’était le signal d’assommer ; puis, il revenait sur la place sonner l’hallali ; des enfants le suivaient en criant : « Victoire ! Vive le Roi ! »

« Le curé constitutionnel, Le Tort, fut saisi. Les barbares ne l’assommèrent pas ; il le firent périr à coups de baïonnettes dans le visage. Son supplice dura environ dix minutes. Un des monstres qui l’avaient assassiné disait encore en s’en allant : « Ce bougre de prêtre n’a cependant pas vécu longtemps. »

« On arrête le citoyen Pinot avec son fils âgé de dix-sept ans. « Renonce à la Nation, lui disent les brigands, et nous ne te ferons point de mal. — Non, je mourrai fidèle à ma patrie : Vive la Nation ! » Et on l’assomme. Les bourreaux se retournent vers son fils : « Tu vois le sort de ton père ? Sois des nôtres. Crie : Vive le Roi ! vivent les aristocrates ! Nous ne te ferons point de mal. — Mon père est mort fidèle à sa patrie ; je mourrai de même : Vive la Nation ! » et on l’assomme.

« Le citoyen Paynot, juge de paix, mourut aussi en criant : « Vive la Nation ! »

« Dans les journées des 11 et 12 mars, il fut assassiné 44 patriotes dans les rues, et à peu près autant furent mis en prison.

« Une femme (Mme Saurin)dont on venait d’assassiner le mari, le frère et un des ouvriers, fut forcée par ces barbares de prendre un bout de la civière sur laquelle était le cadavre de son mari, pour le porter en terre.

« On ne fit aucun mal aux prisonniers jusqu’à l’arrivée de Charette, commandant général des brigands. Il arriva à Machecoul le 14, et se rendit aussitôt sur la place où il harangua sa troupe, en lui parlant surtout des dangers que courait la religion catholique. On finit par crier : « Vivent le roi, la noblesse, et les aristocrates ! »

« Dès le soir, tous les serruriers furent occupés à forger des menottes,