Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/323

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

C’est de Marat que M. de Calonne dit au jour au libraire du faubourg Saint-Germain qui le lui avait fait connaître :

« — Ah ! les notables veulent des révolutions, je leur en ferai ; votre homme me sera très utile ». Marat alla à Londres pendant la première année de la Révolution et prit les instructions de William Pitt et de M. de Galonné réfugié en Angleterre. À son retour, il publia les premiers numéros de l’Ami du peuple, où il propagea les exagérations démagogiques. »

Et voici ce que Barère dit de Danton, précisément à propos de la Vendée :

« Il obséda le comité, relativement à la guerre de Vendée, jusqu’à ce qu’il eût obtenu, par ses importunités et ses nouvelles, qu’on délibérât sur la nécessité de faire partir des bataillons volontaires de Paris, et de donner le commandement général de cette armée à Santerre, instrument docile entre les mains de Danton. Celui-ci agissait-il ainsi dans l’intérêt de la Commune, par les insinuations d’un parti puissant qui se tenait au fond de l’Allemagne et ensuite à Londres ?… »

Et il termine par ces paroles où le sous-entendu éclate :

« C’est à l’histoire inexorable et surtout investigatrice de la vérité, qu’il appartiendra plus particulièrement de signaler les causes secrètes, les agents coupables ou intéressés de cette exécrable guerre civile ; alors on sera bien étonné, sans doute, de voir quelles mains ont déchiré le sein de la patrie, quels profonds hypocrites ont entretenu au cœur de la France cette contagion politique et ce fantôme furieux, qui devait empêcher la liberté politique de s’établir et le droit du peuple de s’organiser, protégé par une Constitution et des lois sages. »

Je sais que ces insinuations de Barère s’appliquent à une période ultérieure de la guerre de Vendée ; et je n’oublie pas non plus que quand il écrivait ces lignes, Barère éprouvait, sans doute, le besoin de se justifier devant la postérité d’avoir ou immolé ou laissé immoler Danton et Robespierre. Mais, encore une fois, ces hypothèses plus que suspectes ont dû traverser son esprit en cette fin de mars où il se tenait, suivant l’expression de Mercier du Rocher, « serré contre Pétion » et en communication assez étroite avec la Gironde.

L’idée de Barère et des Girondins était que les défaites, les crises, les convulsions servaient la politique d’action véhémente, enthousiaste, brutale de Danton, de Robespierre, de Marat et de la Commune de Paris ; et ils concluaient avec la logique délirante des partis :

« Puisque la violence des événements sert la tactique de nos adversaires, ce sont eux qui provoquent cette violence des événements. »

De là, le roman extravagant de Salle. De là, l’audacieuse affirmation du journal girondin, que les troubles de Vendée sont fomentés « par des émissaires anarchistes ». Certes, les Montagnards aussi avaient leurs hypothèses