Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/405

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être Jacques Roux et les Gravilliers, qui, comme nous l’avons vu, n’avaient pas envoyé le 19 mars leurs procès-verbaux, ont-ils adopté comme tactique de gagner du temps, de ne pas heurter de front la Commune. Ainsi s’expliquerait que la section des Gravilliers ne fût pas comprise dans la liste des sections qui avaient délibérément résisté à la loi.

Devant la force d’inertie que lui opposaient certaines sections, et en l’absence de toute sanction légale, que pouvait la Commune ? Elle avait le respect de la souveraineté populaire, et sans doute les délégués provisoires des sections continuaient à siéger au Conseil général de la Commune tant que le litige n’était pas définitivement réglé. Il ne l’était pas encore à la fin de mai. Je lis en effet dans le Moniteur, pour la séance de la Commune du 23 mai :

« Le Conseil arrête que pour parer aux inconvénients qui résultent de ce que la municipalité définitive n’est pas encore organisée, la liste imprimée des membres définitivement adoptés, les noms des trois qui n’ont pas encore passé au scrutin épuratoire, seront envoyés aux sections avec une circulaire pour leur déclarer que si, dans trois jours, elles n’ont pas encore envoyé leur vœu pour le rejet ou l’admission des membres qui doivent compléter la municipalité définitive, il procédera à son organisation avec le département et d’après l’avis de la majorité des sections, sans égard pour celles qui auraient gardé le silence. »

D’ailleurs, en cette période, l’effervescence était telle, il y avait dans toutes les sections des luttes si vives entre la bourgeoisie modérée et la démocratie révolutionnaire, que la Commune ne pouvait guère espérer qu’il serait procédé à un vote régulier sur les délégués au Conseil général. La question était donc comme suspendue, et Jacques Roux profitait sans doute de cet état incertain pour exercer au Conseil général un mandat provisoire. Aussi bien il est visible que ses rapports avec le Conseil général sont difficiles. Pourquoi Jacques Roux refuse-t-il d’aller, à son tour, remplir au Temple la fonction de surveillance que la Commune avait assumée ? Était-il, comme il le dit, réellement malade ? Craignait-il que les nombreux ennemis qu’il avait à la Commune cherchassent à le compromettre à un moment où la dénonciation du gardien Tison contre deux commissaires de la Commune, coupables de complaisance envers Marie-Antoinette, mettait la Commune en émoi ? Ou bien boudait-il à un Conseil général qui l’avait souvent désavoué et maltraité ? On dirait qu’il veut s’engager le moins possible avec la Commune, et qu’il assiste à ses séances en surveillant morose ou ironique plutôt qu’en collaborateur. Il la menace aigrement de ne plus paraître à ses séances si elle veut lui imposer la discipline commune, et le Conseil général, tout en déférant à la section des Gravilliers le refus de Jacques Roux, décide que l’incident est clos. Il était évidemment fatigué de ses conflits incessants avec le