Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/408

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des éléments révolutionnaires, et l’observateur de police concluait qu’il n’était que temps de lui enlever « cette importante partie de la juridiction municipale ». En arrêtant que tous les habitants de Paris seraient tenus d’inscrire leur nom sur la porte de leur maison, elle rendait plus facile le contrôle des comités de surveillance. Et elle s’ingénie à trouver des mesures pour que dans Paris les révolutionnaires seuls soient armés.

« Le Conseil, sur le rapport de la commission des armes (séance du 20 mai), arrête : 1o que tous les fusils égarés à l’Arsenal et aux comités de surveillance des sections, trouvés chez les armuriers lors de la visite faite chez eux, en vertu d’une lettre du maire, seront remis à chaque section pour être distribués, savoir : les fusils de calibre aux citoyens qui partent pour la Vendée, et les fusils de chasse à ceux qui donneront leurs fusils de calibre aux volontaires enrôlés pour la Vendée ; lesquels fusils seront estimés et payés aux armuriers, après qu’ils auront justifié, par l’exhibition de leur requête, qu’ils en sont véritablement propriétaires ; 2o qu’à l’avenir aucun citoyen ne pourra acheter de fusils sans au préalable s’être muni d’un certificat du comité révolutionnaire de sa section, sous les peines portées par la loi. »

L’observateur Dutard signale à Garat, dans son rapport du 14 mai, qu’avec ce système la Commune aura bientôt désarmé tous ses adversaires :

« Les comités de surveillance vont désarmer une à une toutes les personnes qui leur paraîtront suspectes, c’est-à-dire la moitié de Paris. Là, vous perdez l’équilibre. Ils emprisonneront le premier individu qui, avant de parler, ne criera pas : Vive Marat ! À mesure qu’il arrivera des hommes dans Paris, ils seront bien visités, bien examinés, et, s’ils ont des armes, il faudra qu’ils les donnent à la faction. »

Enfin, comme les employés et commis de beaucoup de ministères, longtemps gouvernés par les Girondins, et ceux des grandes administrations, la poste, par exemple, inclinaient au modérantisme, la Commune fait procéder à une vigoureuse épuration des fonctionnaires. Le 29 avril, « le substitut du procureur de la Commune se plaint de ce que les préposés dans les divers bureaux des ministres sont en partie très peu patriotes, qu’un arrêté déjà pris à ce sujet par le Conseil est resté sans exécution. Il propose qu’il soit nommé une députation pour rappeler aux ministres l’arrêté déjà pris et leur enjoindre, au nom du Conseil général, d’expulser de leurs bureaux tous les employés qui ne pourront exhiber les preuves de leur patriotisme. »

Et naturellement, ce sont les comités révolutionnaires qui auront seuls qualité pour délivrer aux fonctionnaires les certificats de civisme.

« Lorsqu’un fonctionnaire public demandera un certificat de civisme, sa demande sera envoyée au comité révolutionnaire de sa section et aux sociétés populaires, et, pour ne pas ralentir la marche des administrations, la commission fera toujours passer les premiers à la censure du Conseil les certificats des agents payés des deniers de la République. »