Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/415

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plus couper du gros de l’armée, et malgré les Jacobins, malgré Marat lui-même, il fallait, dès lors, compter avec les Enragés.

Mais le mouvement allait tout naturellement s’élargir ; par l’effet même des attributions légales des comités de surveillance, il était impossible qu’ils restassent isolés. Pour arrêter les mesures de surveillance civique et révolutionnaire, pour décider du meilleur mode de recrutement et d’établissement de l’emprunt forcé, ils devaient chercher à s’entendre. Et de ces réunions multipliées à une organisation permanente, à la création d’un comité central révolutionnaire il n’y avait pas loin. Les autorités légales, la Convention, la Commune stimulèrent les sections à se grouper. La section des Gravilliers, conseillée, sans doute, par Jacques Roux, avait compris le parti qu’elle pouvait tirer, pour le groupement des forces parisiennes, des ressources de la loi.

Le 2 avril, c’est-à-dire le jour même où elle paraissait désavouer la tentative prématurée et aventureuse de Varlet et du Comité de salut public de l’Évêché, elle suggérait d’autres moyens, d’autres prétextes de groupement. Elle proposait, comme en témoignent les procès-verbaux de son comité révolutionnaire consultés aux Archives nationales par M. Mellié, une réunion générale des délégués des comités de surveillance. Et n’ayant point obtenu du département ou de la Commune le local qu’elle demandait, elle s’adressa hardiment au Comité de sûreté générale de la Convention où dominaient les influences montagnardes. Celui-ci, heureux de tenir en ses mains (du moins il le croyait) toutes les forces vives de la démocratie parisienne, fit bon accueil à la demande des Gravilliers ; et il alla même sans doute au delà de ce qu’elle désirait en convoquant lui-même les délégués des comités de surveillance par une lettre du 4 avril, signée au nom du Comité de sûreté générale, par Garnier, Duheme, Osselin.

« Citoyens, le salut public exige que tous les bons citoyens redoublent leurs efforts pour sauver la patrie ; vous êtes établis pour nous seconder dans la découverte des conspirations, et comme il faut de l’ensemble et de l’union dans les moyens, nous vous invitons à nommer un de vos membres pour venir se concerter avec nous demain, 5 avril, dans le lieu ordinaire de nos séances. »

Il faut de l’ensemble : ce qui est maintenant la formule de l’action révolutionnaire légale va devenir la formule de l’action révolutionnaire insurrectionnelle. Le Comité de sûreté générale ne se borna pas à réunir autour de lui les délégués des comités. C’est lui qui les invita à former un Comité central permanent.

« Le 13 avril 1793, le président de la section des Piques fait part au Comité d’une lettre qu’il a reçue du Comité de sûreté générale, invitant les commissaires des sections à désigner un d’entre eux pour se réunir aux autres délégués des sections et former un Comité central. Le Comité central ne s’as-