Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/420

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tourner contre la Gironde la pointe de cette armée révolutionnaire de sans-culottes ? On devine dans les esprits l’exaltation sombre qui précéda les journées de septembre. De même qu’alors les patriotes ne voulaient point partir pour la frontière du Nord sans s’être débarrassés de l’ennemi intérieur, de même aujourd’hui ils ne veulent pas partir pour la Vendée sans s’être débarrassés de la faction ennemie qui paralyse l’élan révolutionnaire.

Avant le 2 septembre, ce n’était pas aux pouvoirs publics que le peuple pouvait s’en prendre, il procédait précisément à l’élection de la Convention. C’est par le massacre des conspirateurs ou des suspects accumulés dans les prisons qu’il soulagea sa colère et son inquiétude. Maintenant, il ne s’agit plus de tuer ; mais il faut retrancher de la Convention les hommes qui, par leur égoïsme et leur esprit de coterie, par leur modérantisme et leur défiance du peuple, font le jeu de la contre-révolution.

C’est, en ce sens, que l’observateur Dutard avait raison de dire à son ministre Garat, le 12 mai, à 7 heures du soir :

« Ce moment est terrible et ressemble beaucoup à ceux qui ont précédé le 2 septembre. »

Chose curieuse ! Nous saisissons là police contre police.

C’est à la minute même où le policier ministériel Dutard signalait à Garat le péril et lui suggérait des moyens de résistance que les policiers révolutionnaires, élus des sections, délibéraient sur la mesure décisive que le lendemain 15 ils proposèrent à la Commune. Dans l’anathème un peu banal que les socialistes révolutionnaires jettent parfois aujourd’hui à la police, à toute police, il y a un peu d’ingratitude. La police de la Commune de Paris a beaucoup aidé au salut de la Révolution.

Mais ce n’est pas seulement à la Commune que se précisaient les résolutions et que s’enfiévraient les esprits. Des réunions révolutionnaires se tenaient de nouveau à l’Évêché. On se souvient que c’est à l’Évêché qu’avait eu lieu, le 1er avril, sur l’initiative de la section des Droits de l’Homme, une première réunion « de la majorité des sections ». Elle était sous l’influence des plus ardents parmi les Enragés, de Varlet et de ses amis. Un moment, devant la défiance ou l’hostilité de plusieurs sections, devant la réprobation des Jacobins et les menaces de Marat, elle avait dû s’ajourner, suspendre ou dissimuler ses opérations. Maintenant le choix fait à nouveau du local de l’Évêché marque bien que ce sont les Enragés qui rentrent en scène. Les réunions plus timides du Comité central révolutionnaire avaient eu lieu tantôt dans une section, tantôt dans une autre, de préférence au Contrat-Social. Elles ne se distinguaient pas ainsi nettement de la vie même des sections. Au contraire, en s’installant de nouveau à l’Évêché, tout près de la Commune, et à portée du pouvoir, les délégués révolutionnaires des sections témoignaient qu’ils voulaient devenir une force distincte, permanente, orga-