Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/422

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cune trois membres, à l’effet de se trouver à l’assemblée générale indiquée en la salle des électeurs, à l’Évêché.

« Ces trois membres seront choisis, l’un par l’assemblée générale de chaque section, l’autre par le Comité révolutionnaire, et le troisième par le Comité civil, et pris parmi les membres qui composent lesdits comités.

« Cette assemblée est convoquée à l’effet de discuter sur les moyens les plus prompts, les plus sûrs et les plus uniformes à prendre pour la levée de l’emprunt forcé, sur le lieu du dépôt des sommes qui en proviendraient ; enfin de prendre des mesures pour que cet emprunt ne porte que sur les riches, et des moyens pour ménager le plus possible la classe simplement aisée qui a fait des sacrifices pour la Révolution. »

Ainsi la Commune, plus prudente peut-être que quelques-uns des amis de Varlet, marque son souci de ménager, jusque dans l’application des mesures révolutionnaires, la classe moyenne, la bourgeoisie d’industrie et de modeste négoce. Il n’y avait pas de confusion possible entre cette assemblée convoquée par la Commune pour l’exécution des lois, et les réunions révolutionnaires tenues à l’Évêché. Et pourtant la déférence de la Commune pour les comités révolutionnaires, le souci qu’elle a de ne rien décider sans eux, tout témoigne que le centre de la force et du pouvoir se déplace peu à peu vers ces comités. La Commune n’est point dépossédée ni humiliée, mais elle est toujours plus étroitement obligée d’harmoniser son action à celle des groupements révolutionnaires. Et l’Évêché semble devenir le siège d’une puissance un peu ambiguë, mais d’autant plus redoutable, parce qu’elle a une face légale et une face insurrectionnelle.

Les administrateurs de police, qui étaient plus directement aux prises avec tous les éléments contre-révolutionnaires qui abondaient dans la grande et confuse cité, et qui étaient ainsi, par leur fonction même, des hommes d’action et de coup de main, servaient en quelque sorte d’intermédiaires entre la force légale de la Commune et la force effervescente des sections les plus agitées. Ce sont eux qui ont suggéré à la Commune, le 15 mai, la formation de l’armée révolutionnaire soldée et l’arrestation des suspects. Ce sont eux qui ont reçu de la Commune le mandat de préparer ou d’assurer l’exécution de ces mesures. Ce sont eux qui, dès le 14 mai, par une lettre signée Lechenal et Saclès, invitèrent les comités révolutionnaires des sections à former une assemblée à la mairie, à l’effet de prendre des mesures de police dans l’intérêt du salut public et de dresser les listes des suspects. Mais qui ne pressent que, sous le couvert du secret dont la Commune a décidé de couvrir ces délibérations, les motions les plus audacieuses vont se produire ? Qui ne pressent que parmi les suspects à arrêter vont être signalés d’abord les suspects par excellence, les chefs de la Gironde ? Ainsi l’heure du corps à corps approchait.

La Gironde était avertie. Elle savait que, depuis le commencement de