Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/437

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apparence menée par quelques révolutionnaires mécontents, était conduite au fond par la contre-révolution. Comment purent-ils s’y tromper, quand ils virent s’élever contre ces deux hommes une tempête de griefs contre-révolutionnaires ?

Déjà, dans la Société populaire, quand Mouraille, aux premiers jours d’avril, fut dénoncé « comme exerçant sur ses concitoyens un empire despotique, comme disposant à son gré de leur liberté, de leur vie et de la fortune publique, comme un autre Pygmalion qui, croyant voir à chaque instant la main vengeresse qui va le punir de ses forfaits, se fait escorter par des gens armés, etc. » ; quand la Société populaire dénonce « les menaces qui ont été faites dans presque toutes les sections à ceux qui ne voteraient pas pour le citoyen Mouraille, lors de l’élection du maire, ce qui prouve que le citoyen Mouraille doit sa réélection, non à l’amour ni à la confiance des citoyens, mais à la crainte des lanternes », c’est le langage habituel de la contre-révolution.

À coup sûr, par une manœuvre savante, les royalistes et les feuillants avaient égaré ou divisé la Société populaire, et Boisset et Moïse Bayle se conduisirent en étourdis en aidant à ce commencement de réaction. Le Comité de salut public, qui ne comprenait rien à leur attitude, leur envoya, en avril, un billet sévère où il blâmait tout ensemble leur imprudence révolutionnaire à organiser des armées chargées de parcourir le Midi, et l’inexplicable faiblesse qui les avait fait consentir à la révocation de Mouraille et de Seytre.

« L’arrêté pris sur votre réquisition, le 10 de ce mois, par le département des Bouches-du-Rhône concernant la levée d’un corps de 6 000 hommes destiné à maintenir la tranquillité publique dans le département ou à se porter en cas de réquisition dans les départements voisins pour y rétablir l’ordre et réprimer les contre-révolutionnaires, l’arrestation du maire et du procureur de la Commune de Marseille ont occasionné de vives réclamations de la part de plusieurs de vos collègues. Ils se sont réunis et ont tous été entendus au Comité. Vous concevez que nous n’avons rien négligé pour n’être pas influencés par les préjugés et les préventions d’aucun genre. Nous avons inutilement consulté votre correspondance ; nous n’y avons trouvé ni les motifs, ni les dispositions de l’arrêté ou des réquisitions qui excitent tant de réclamations, et que vous auriez dû, aux termes du décret, adresser à la Convention nationale dans les vingt-quatre heures.

« Nous vous prions instamment de diriger l’action des citoyens… Les dissensions, les discordes civiles sont les plus grands fléaux qui affligent la République. Il ne serait pas en notre pouvoir de répondre à la nation de sa liberté et de son indépendance si les départements méridionaux commençaient une guerre civile et si leurs mouvements prenaient le caractère des agitations et des troubles qui bouleversent encore plusieurs départements de l’Ouest. »