Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/445

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des Marseillais, et fait voir quels étaient les vrais républicains. Aussi les meneurs du club de Marseille se plaignent-ils de la gaucherie de la Montagne, de leur avoir envoyé la famille d’Orléans. »

Donc, si Marseille se soulève, c’est, contre la Montagne dont elle commence à apercevoir les attaches royalistes au duc d’Orléans, et si les royalistes des sections se proclament souverains, c’est pour mieux défendre la République. Le 7 mai, le Patriote français triomphe de l’adresse lue la veille :

« Une lettre officielle de Marseille vient enfin de tirer les esprits de la cruelle incertitude où ils étaient sur cette ville. L’anarchie y est complètement abattue, l’ordre et les lois y triomphent ; tel est le texte d’une lettre écrite par le procureur de la Commune au nom de toutes les sections. C’est à partir de ce jour, assurent-elles, que Marseille est réellement acquis à la République une et indivisible… Puissent le petit nombre de villes où domine encore le maratisme imiter cet exemple, et l’on pourrait espérer le retour de l’ordre et de la prospérité.

« Cette nouvelle, que la Montagne a entendue avec abattement, l’aura bien plus consternée quand elle apprendra que plusieurs des fauteurs de l’anarchie sont maintenant arrêtés, et qu’on espère tirer la révélation d’un complot tramé ailleurs et dont la ramification s’étendait jusqu’à Marseille. »

Vraiment, les Girondins ne soupçonnent-ils à aucun degré que ce zèle révolutionnaire des sections de Marseille n’est qu’un masque ? Les 12 et 13 mai, ils s’engagent à fond, à la tribune et dans leurs journaux, pour le mouvement marseillais.

« Moyse Bayle et Boisset, dit le Patriote français, dans son compte rendu de la séance du 12, furieux d’avoir vu leurs projets anarchiques déjoués par le courage et le patriotisme des véritables Marseillais, ont fulminé contre eux un arrêté terrible qu’ils envoient à la Convention, avec les plus viles calomnies contre une ville qu’ils flagornaient si indignement peu de jours auparavant. Cet arrêté prononçait : 1o la cassation d’un tribunal populaire établi à Marseille, tribunal qui n’a jamais jugé à mort, et que Bayle lui-même avait beaucoup vanté ; 2o la suppression du comité central des sections, comité qui a sauvé le midi de la France en le délivrant du despotisme funeste du club de Marseille ; 3o la poursuite des commissaires marseillais qui n’ont jamais prêché que le retour de l’ordre et des lois, tandis que d’autres commissaires prêchaient impunément le pillage et le meurtre.

« Cet arrêté était si calomnieux, si difficile à justifier que les anarchistes eux-mêmes n’ont osé en demander l’application ; ils voulaient qu’on le renvoyât au Comité de salut public. Mais Barbaroux a fait percer la vérité au milieu des cris et du tumulte ; il a accusé les commissaires d’avoir voulu plonger Marseille dans l’anarchie et y exciter une insurrection. Il pose en fait que c’est la classe peu fortunée elle-même qui s’est jointe aux propriétaires pour déjouer la conspiration. À Marseille, c’est un garçon menuisier qui a rappelé