Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/448

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proclamer à votre barre le plus noir projet qui jamais ait menacé le salut de la République…

Vous l’avez vu, citoyens législateurs, vos ennemis et les nôtres ne sont pas intimidés par un décret de censure, leur audace s’accroît avec votre longanimité, vous êtes encore sous les poignards d’une faction implacable, et les conjurés marquent ici leurs victimes comme si vous aviez légalisé leurs complots.

« C’est cependant sur vous que reposent en ce moment les dernières espérances de notre malheureuse patrie ; un jour encore, une heure peut-être, et les monstres auront consommé leur attentat ! Que tardez-vous ? n’est-il pas temps de conjurer l’orage et de faire rentrer dans la poussière les lâches complices de Catilina ? Le glaive de la loi n’est-il plus dans vos mains ? La souveraineté nationale réside-t-elle dans les conventicules de la Commune de Paris, et ses délirantes sections sont-elles des puissances dont la ligue ait de quoi vous effrayer ?

« Ah ! s’il le faut, citoyens législateurs, si cette immense cité ne renferme plus que des factieux qui vous outragent, ou des citoyens timides incapables de vous défendre ; si vous ne pouvez enfin qu’à ce prix nous donner un gouvernement protecteur, sortez avec nous, sortez de cette enceinte où l’on n’a pas respecté nos représentants ; sortez de cette ville rebelle où la vertu n’a trouvé que des persécuteurs ; abandonnez à son opprobre et à ses remords une municipalité coupable où la licence et l’anarchie semblent avoir établi leur abominable conclave.

« Et nous aussi, nous sommes armés de l’opinion publique de tous les départements de l’Empire ; et nous aussi, nous ferons répéter à la France entière le cri de notre indignation ; et nous aussi, nous indiquerons les attentats et les noms de leurs coupables auteurs.

« Les crimes de ces hommes sont connus, nous en portons, hélas ! dans nos biens et dans nos personnes les témoignages irréfragables. Depuis qu’ils ont dilapidé le revenu public, ils n’ont élevé que leurs parents et leurs créatures à toutes les places lucratives ; depuis que vous leur avez demandé des comptes, ils n’ont répondu que par des calomnies ; depuis que vous avez proclamé la République, ils n’ont encensé que des dictateurs ; depuis que nous avons un code pénal et des jurés, ils n’ont cessé de provoquer l’assassinat et le pillage. Marat, leur chef et leur idole, a recueilli les débris d’un trône abattu pour y placer d’Orléans, et l’usurpateur, plus heureux que son parent, a trouvé des ministres dociles dans une société qui depuis longtemps a prostitué sa tribune au panégyrique de tous les hommes corrompus.

« Ils ont massacré dans les prisons des milliers de victimes ; ils ont volé des millions au garde-meuble ; ils ont stipendié des bourreaux pour venir nous égorger dans nos villes ; ils ont député vers nous des apôtres de révolte