Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/455

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exaltés, de reproduire contre eux et de consacrer, en quelque sorte officiellement, les calomnies des libelles girondins contre les hommes les plus agissants de la Révolution. Elle eût servi par là la propagande royaliste et contre-révolutionnaire. Et bientôt, toute flamme éteinte, tout ressort brisé, elle eût été livrée à l’ennemi. À ce moment, c’est bien Paris, cœur de la nation, qui « portait la destinée ».

Les Girondins annoncent, dès les premiers jours de mai, que leur plan d’attaque est tout prêt. C’est sans doute celui que Guadet va découvrir à la Convention : briser les autorités constituées de Paris, mater les sections et, si Paris se soulève, écraser l’insurrection au moyen des forces bourgeoises mobilisées ou se retirer à Bourges et faire appel à la France. À la Montagne et à la Commune, les plus ardents voulaient prendre l’offensive et devancer la Gironde. Le jeune Lyonnais Leclerc, qui était revenu des Îles aux premiers jours de la Révolution et qui avait une ardeur extrême, se plaignait des lenteurs et des hésitations des révolutionnaires.

Le procès-verbal de la Commune de Paris, du 16 mai, dit : « Le Clerc, député de Lyon, qui s’est présenté à une précédente séance pour faire part de la demande formée par ce département d’un tribunal révolutionnaire, se présente de nouveau à la tribune, et se plaint de la manière dont l’ont traité les journalistes. Il donne des explications sur ce qu’il a déjà dit au Conseil.

« Il annonce que, malgré les commissaires que lui avait donnés le Conseil, il n’a pas cru, en la disposition des esprits, de voir se présenter à la Convention. Il ajoute qu’on a le projet d’égorger les patriotes, et se plaint de la faiblesse de quelques Montagnards. Il se résume en disant qu’il n’y a qu’un moyen de sauver la République : il faut que le peuple se fasse justice, pour que la justice habite toujours au milieu du peuple et qu’il ne se trompe jamais. »

Cette allusion à « la faiblesse de quelques Montagnards » visait Robespierre. Celui-ci, toujours fidèle à son plan, qui était de discréditer à fond la Gironde sans entamer la Convention, commençait à être débordé. De son discours du 15 mai, le peuple avait retenu et approuvé les propositions les plus hardies et les plus nettes, notamment la création d’une armée révolutionnaire de sans-culottes soldés ; mais il désapprouvait sa tactique temporisatrice. Robespierre commençait à être débordé. Dans la séance du 17 mai aux Jacobins, dont le pâle procès-verbal recueilli par M. Aulard ne peut donner qu’une idée bien effacée, les deux courants se heurtèrent : l’action légale et l’action insurrectionnelle. L’observateur Dulard a fort bien traduit les sentiments variés des Jacobins à cette date, la force croissante de la politique de violence.

« J’assistai hier soir, dit-il dans son rapport du 18 mai, à la séance des Jacobins, et j’y trouvai, comme partout, à l’ordre du jour, l’insurrection instantanée, les moyens de diminuer les forces de la Convention, et d’accroître celles de la faction, la coalition.