Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/501

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se montre dans les places publiques, qu’elle soit sur le trône ou à la tribune d’un club, qu’elle porte un sceptre ou un poignard, qu’elle se montre toute brillante de dorure ou qu’elle se déguise en sans-culotte, qu’elle porte une couronne ou un bonnet, n’en est point moins la tyrannie. Le peuple français a juré de n’en souffrir aucune. La Convention, organe de la volonté nationale, ne se laissera influencer par aucune violence ; elle prêchera toujours obéissance aux lois, sûreté des personnes et des propriétés, guerre aux aristocrates et aux anarchistes. »

Robespierre demande la parole ; la majorité la lui refuse en alléguant que la Constitution est à l’ordre du jour. Robespierre « s’insurge », comme il l’avait annoncé la veille aux Jacobins. Mais la Montagne, résolue à engager la lutte à fond à l’intérieur de la Convention (selon la formule robespierriste), demande la parole pour lui avec instance. Un décret formel de la Convention, dont la majorité girondine est comme fanatisée par les accents d’Isnard, la lui refuse. La Montagne demande l’appel nominal. « Oui, s’écrie Vergniaud, l’appel nominal pour savoir si les assemblées primaires seront convoquées ». C’était l’aveu par la Gironde qu’elle ne pouvait plus gouverner avec la Convention. C’était la dissolution funeste de toute la force révolutionnaire. Danton, debout sur son banc, dressé enfin pour le combat, menace la droite :

« Tant d’impudence commence à nous lasser. Je déclare à la Convention et à tout le peuple français que si l’on persiste à retenir dans les fers des citoyens dont tout le crime est un excès de patriotisme, si l’on refuse constamment la parole à ceux qui veulent les défendre, je déclare que s’il y a ici cent bons citoyens, nous vous résisterons. La Commission des Douze détient à l’Abbaye des magistrats du peuple sans vouloir faire aucun rapport. »

Des tribunes surexcitées partaient de terribles clameurs, et le peuple commençait à affluer aux abords de la Convention ; peu à peu il rompait ou éludait la consigne, envahissait les couloirs, occupait les avenues mêmes de la salle. C’est, pour la Gironde, comme un prélude d’investissement. Vers sept heures. Garat, averti par Dutard de l’agitation croissante dans l’Assemblée et hors de l’Assemblée, arrive à la Convention.

« En sortant du Conseil exécutif, dit-il dans ses Mémoires, entre quatre et cinq heures de l’après-midi, je n’avais rien vu autour de la Convention qui annonçât du mouvement et qui fît craindre un attentat ; à six heures et demie, à peu près, je dînais, j’étais seul avec mon neveu ; l’un des citoyens dont les observations me rendaient compte de l’état de Paris à cette époque, et l’un de ceux dont la correspondance était constamment favorable à tout ce qui était en faveur du côté droit, vient me dire tout en alarme que la Convention est dans le plus grand danger, qu’elle est assiégée par une foule immense et par une force armée, qu’on a crié autour des canons : Aux armes ! qu’on parle d’égorger les appelants au peuple, et que tout annonce un com-